Le bonheur, cette vertu...

Conseils aux jeunes femmes qui s'estiment malheureuses
— Je suis malheureuse...
Tantôt discret et douloureux, tantôt bruyant et désespéré, c'est le cri qui jaillit de trop de cœurs féminins, lorsqu'ils ont la liberté de s'épancher. D'où vient donc cette propension au malheur qui semble affliger la plupart de nos contemporaines ?
Il est, bien sûr, des cas particuliers et parfois tragiques. De ceux-là nous ne parlerons pas aujourd'hui. Ils sont d'ailleurs généralement infiniment respectables. Mais, le plus souvent, les femmes interrogées sont incapables de trouver à leur détresse un motif puissant, solide. Elles sont malheureuses, voilà. Peut-être est-ce simplement parce qu'on ne leur a pas enseigné le bonheur, cette vertu ?
La leçon de bonheur devrait être obligatoire et recommandée pour la santé de l'âme comme la culture physique pour la santé du corps. Si j'étais professeur de bonheur, je demanderai d'abord à mes élèves : « Madame, êtes-vous en bonne santé ? » Savez-vous que votre jalousie dépend directement de certaines de vos glandes à sécrétion interne, tandis que d'autres commandent l'égalité de votre caractère, l'équilibre de vos nerfs, et votre bonne humeur ?
Savez-vous que certains spécialistes peuvent déterminer, à vingt-quatre heures près, le jour où vous serez victime d'une crise de jalousie, de colère ou de dépression, parce qu'elle sera provoquée, non pas par des événements extérieurs, mais par une mauvaise réaction de votre organisme et que le moindre prétexte suffira alors à la faire éclater ?
Toute femme triste, nerveuse, sujette à des angoisses ou à des sautes d'humeur fréquentes, devrait commencer par aller voir son médecin.
Je dirai encore à mes élèves : « Il y a deux types d'ennuis susceptibles de vous atteindre : l'ennui sentimental et l'ennui matériel. »
Les chagrins sentimentaux sont presque toujours aggravés chez les femmes par un sentiment d'infériorité. Trahies, elles se disent : « Je suis moins jeune, moins belle ou moins intelligente que ma rivale. » Si, par malheur, elles connaissent la rivale, elles se demandent immanquablement : « Comment peut-il me préférer « cette femme » ? Or, « cette femme » a généralement pour principale — et provisoire — vertu, d'être « une autre ». Alors, pourquoi comparer ?
Abandonnez le divan où vous êtes effondrée, froissant votre robe, le petit mouchoir que vous trempez de vos pleurs amers, la chambre que vous n'avez pas eu le courage de ranger, les souvenirs que vous déformez... Il faut à une femme un optimisme inébranlable pour qu'elle ne se sente pas malheureuse en se voyant décoiffée, le visage vieilli par les larmes, dans une pièce en désordre, vêtue d'une robe chiffonnée et de bas dont la couture a tourné.
À un cœur trop lourd, apportez le réconfort d'un visage frais, minutieusement maquillé et coiffé, de la robe que vous aimez, du chapeau qui vous embellit... et sortez. Le premier hommage masculin vous rendra votre confiance en vous. N'y at-il pas un film qui vous tente, un concert que vous souhaitiez entendre ? C'est le moment d'y aller. Mieux encore, courez vite acheter le flacon de parfum ou les boucles d'oreilles dont vous aviez envie, hier. Oui, faites- vous un cadeau. Si ce n'est pas très raisonnable, pensez que votre état moral est aujourd'hui plus important que celui de votre budget.
Lorsque vous serez capable de penser à votre situation avec sang-froid, elle vous paraîtra vraisemblablement moins tragique. Quelle que soit alors votre décision, elle sera plus sage. Aux ennuis matériels, opposez la même méthode. L'essentiel est de recouvrer votre bonne humeur. Pour cela accordez-vous une faveur, un instant de détente ou de plaisir. Mettez-vous en état de résistance au chagrin, au tracas, au malheur. Ne pensez pas aux difficultés à venir mais à celles que vous avez déjà surmontées.
Si vous traversez, sans raison valable, une mauvaise passe, essayez de vous réserver chaque jour pour le lendemain une petite joie, à laquelle vous penserez en vous réveillant. Vous vous lèverez plus facilement si vous avez la perspective d'une heure agréable ou d'un chapeau neuf. Chantez en faisant votre toilette. Si vous avez des loisirs, employez-les à coudre, à vous faire les ongles, à écrire. L'activité matérielle est un excellent dérivatif aux pensées trop sombres.
La bonne humeur commence par exiger un effort ; elle devient ensuite une habitude.
Enfin, et avant tout, n'ayez pas le snobisme de votre mélancolie comme d'autres ont celui de leur insomnie. Celui qui se plaint de passer des nuits blanches et que vous réveillez à trois heures du matin vous affirme invariablement : « C'était la première fois que je dormais depuis six mois. » Certaines femmes auxquelles vous dites : « Comme vous avez l'air gai ! » vous répondent avec un sourire douloureux : « Cela ne m'arrive pas souvent »
Il n'y a pourtant pas là de quoi être fière. Au contraire.
À mes élèves, je dirais encore : « Souvenez-vous qu'une femme malheureuse ou maussade n'est jamais jolie, rarement aimée ». N'est-ce pas là un argument suffisant pour vous encourager à apprendre, dès aujourd'hui, votre première leçon de bonheur ?

Mardi, octobre 29, 2013
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