Injonction faites aux jeunes filles à faire des choix réfléchis en amour. « S'il reste beaucoup de femmes pour qui la possession d'un homme demeure le but de la vie, il n'y a pas un homme au monde, si étroites soient ses oeillières, pour qui une femme 'so
Où courez-vous, mademoiselle ? Mais si, vous courez ! Je vois des petites ailes frémir à vos chevilles.
Entre parenthèses, la couture de vos bas n'est pas droite. Vous avez pourtant passé une bonne heure devant la glace avant de sortir de chez vous.
Inutile de rougir : vous courez à votre premier rendez-vous, vous avez rendez-vous avec l'amour. Voilà pourquoi vous avez des ailes.
Il y avait dans France-Soir un gros titre menaçant, mais vous ne l'avez pas vu : c'est l'horoscope que vous avez lu. Et il annonçait : « Sur le plan sentimental, ambiance propice à la création d'unions durables... »
Ouf ! Votre mère vous a dit :
- Tu vas mourir de froid avec ce petit tailleur.
Prends ton manteau, voyons !
Mais vous avez sournoisement jeté le manteau dans l'entrée avec de vous glisser dehors, parce qu'il est fatigué le pauvre et que ce petit tailleur vous fait une jolie taille. D'ailleurs vous ne sauriez avoir froid avec le brasier qui vous tient lieu de cœur. Les amoureux n'ont jamais froid.
Vous n'êtes pas d'une exceptionnelle beauté. Pourtant tout le monde vous regarde dans la rue parce qu'on lit sur votre visage : j'ai rendez-vous avec l'amour !
Ne courez pas si vite, vous êtes très en avance. Il a dit huit heures... nous avons encore le temps de bavarder un peu.
Avouez que vous avez très mal travaillé aujourd'hui et en regardant toutes les dix minutes une pendule qui refusait obstinément de tourner. D'ailleurs, ne vous faites pas d'illusions : depuis que vous êtes amoureuse on vous trouve insupportable.
Ne vous inquiétez pas : c'est affreusement commun. C'est même l'un des signes les plus évidents auxquels on reconnaît la délicieuse maladie dont vous êtes atteinte.
Vous avez ce petit air à la fois supérieur et distrait de celles qui, dix fois dans la journée, sont brusquement assaillies par une seule et même pensée : il m'aime.
Vous vous regardez très souvent — mais très souvent — dans la glace et avec une certaine satisfaction. Vous vous aimez depuis qu'il vous aime.
Ceux qui traversent une crise analogue vous sont indulgents. Les autres — et ils sont beaucoup plus nombreux — oscillent entre l'exaspération, l'envie et la compassion.
Ne vous laissez pas atteindre, mademoiselle. Les « autres » n'ont aucune importance. Ce qui compte, ce soir, c'est vous. De ce rendez-vous, toute votre vie peut dépendre. Rassurez-vous, ce n'est pas une leçon de morale que je vous propose, mais plutôt une leçon de conduite.
Comme les automobilistes, les jeunes filles devraient passer un permis d'être autorisées à sortir seules le soir avec des garçons, un permis de se conduire.
Que leur enseignerait-on ? L'essentiel, c'est-à-dire savoir ce qu'elles veulent.
Quand on veut aller tout droit, on ne tourne pas à gauche. Où voulez-vous aller ce soir, mademoiselle ?
La seule personne à qui vous ne devez jamais vous permettre de mentir, c'est vous. Vous voulez aller tout droit ? Alors gardez bien le volant et ne le lâchez pas.
Quand une jeune fille de 1952 prend rendez-vous le soir avec un homme dont est éprise, elle sait très bien à quoi elle s'expose.
Vous ne le savez pas, vous qui courrez vers lui ? Allons donc ! Et vous seriez inquiète, triste, s'il ne vous demandait pas ce que vous avez l'intention de lui refuser.
Il vous le demandera, n'en doutez pas. D'ailleurs si les jeunes filles — et les moins jeunes — savaient à quoi tient le désir qu'elles inspirent, elles en feraient peut-être moins le cas. Mais ceci est une autre histoire.
Donc, il vous le demandera. Si ce n'est pas ce soir, ce sera demain soir. N'avez-vous pas tout fait pour cela ? Et que lui répondriez-vous ? ''Je ne suis pas celle que vous croyez?'' Il ne croit rien. Il sait, il sait que vous ne résisterez pas longtemps. Les hommes prennent rarement des risques dans ce domaine. Mademoiselle, mademoiselle, regardez-moi bien. Voulez-vous, oui ou non qu'il devienne votre... Vous avez reculé devant le mot ? C'est qu'on a souvent à votre âge, plus peur des mots que des faits. Vous ne voulez pas, n'est-ce pas? Alors il ne le sera pas, c'est très simple. Si c'est votre volonté profonde, vous n'aurez même pas à la lui signifier. Il comprendra.
Et s'il faut du courage pour prendre cette résolution, répétez-vous que jamais une jeune fille n'a perdu un mari parce qu'elle refusait un amant. Jamais. Le contraire, par contre, est assez courant.
Maintenant, allez, mademoiselle... Il est 8 heures, il doit être là. En retard ? Là, vous allez passer un moment très désagréable. Vous allez penser, dans l'ordre :
• que vous vous êtes trompée d'heure, de jour, de lieu. Mais que si vous quittez l'endroit du rendez-vous pour aller lui téléphoner, il risque d'arriver pendant ce temps-là, de ne pas vous trouver et de repartir. Donc, il vaut mieux attendre...
• qu'il a eu un accident très grave, qu'il est défiguré, infirme et que néanmoins vous l'aimerez toujours.
• qu'il vous pose un lapin et qu'il pourra toujours courir pour vous revoir. Vous tremblerez et le haïrez successivement, après quoi il sera 8 h. 20, il
surgira essoufflé, confondu en excuses et vous répondrez avec un beau sourire :
— Ça n'a pas d'importance... D'ailleurs, je viens d'arriver. Vous avez dix-huit ans et vous l'aimez.
Bonne chance, mademoiselle. Et n'oubliez-pas : à notre époque, une jeune fille qui « tourne mal » est entièrement responsable. C'est le prix qu'il faut payer les libertés que vous avez acquises.
Vous, madame, vous voilà bien fringante aujourd'hui, et tirée à quatre épingles. Soucieuse de plaire ? A qui ? Vous n'avez pas, non, vous n'avez pas l'allégresse d'une femme qui va retrouver celui qu'elle aime.
C'est que vous avez aujourd'hui rendez-vous avec le passé.
Qu'a-t-il été au juste pour vous, celui avec lequel vous allez de ce pas déjeuner, nous n'aurons pas l'indiscrétion de vous le demander.
Flirt ? Fiancé ? Un peu plus ? En tous cas il n'est plus rien depuis longtemps. La vie vous a séparés. Après quelques années, par hasard, elle vous a rapprochés et il a dit : « Déjeunons ensemble... >. Voilà que vous avez presque peur. C'est qu'en quelques minutes vous allez savoir brusquement à quel point, en quel sens vous avez changé.
Physiquement, c'est un test excellent. Plus ou moins courtoisement il sera franc puisqu'il n'attend plus rien de vous. Ou plutôt si : il attend que vous lui rendiez le même service. Le silence en ce domaine est éloquent : préférable aux compliments insincères qui sonnent toujours faux.
Moralement, le test n'est pas moins utile. Ces « retrouvailles » qui vous transportent soudain dans le passé permettent de confronter brutalement deux images, l'ancienne et la nouvelle, et de constater souvent que la nouvelle est beaucoup plus satisfaisante.
Vieillir n'est pas toujours aussi désagréable, que le prétendent ceux qui ne savent pas découvrir le plaisir de devenir adulte. Mais de grâce, madame, pas d'attendrissement. De ce rendez-vous peuvent naître deux situations.
Ou vous direz : « Comment ai-je pu... » et vous partirez avec l'envie de rayer définitivement ce monsieur de votre mémoire et de votre vie.
Ou vous êtes à l'aube d'une solide amitié. Et alors conduisez-vous en amie. Écoutez-le, faites-le parler, de sa vie, de son métier, de ses amours ; ne jouez pas les coquettes, ne minaudez pas. On ne rallume pas les feux éteints et c'est lui qui partirait alors en se disant : « Comment ai-je pu... »
Oh ! vous, mademoiselle, pas de gémissements ! tant pis pour vous s'il ne vient pas, s'il s'est décommandé à la dernière minute.
Vous l'a-t-on assez répété sur tous les tons que l'on ne retient pas un garçon avec des rubans dans les cheveux et des maquillages savants ?
On oserait à peine vous le redire ! et pourtant, à vous voir, plaisant si souvent, ne retenant jamais, on croirait que vous n'avez pas encore compris.
S'il reste beaucoup de femmes pour qui la possession d'un homme demeure le but de la vie, il n'y a pas un homme au monde, si étroites soient ses œillères, pour qui une femme « soit le but ».
Si humble, si bas que soit son idéal il en a un. Si vous ne faites pas l'effort de le découvrir, de vous y intéresser, pourquoi voulez-vous qu'il s'intéresse au vôtre, c'est-à-dire à vous?
De quoi lui avez-vous parlé au cours de vos premiers rendez-vous ? De vous avec lui, de lui avec vous. Il y a autre chose dans le monde, que diable !
Ne pleurez pas. Rien n'est perdu, pas même cette soirée si vous réfléchissez. Ayez demain cent choses à lui raconter, cent questions à lui poser. Politique, sport, littérature, peinture, jazz, agriculture, parlez-lui de ce que vous voulez. Sauf de vous.
Au revoir, mademoiselle. On s'ennuie trop en compagnie de votre jolie personne pour que nous nous y attardions davantage.
Voyons, madame, ne vous mettez pas dans un état pareil parce qu'il n est pas encore là !
Vous devriez le savoir, depuis 5 ans que vous êtes mariés : il n'est jamais à l'heure. C'est odieux de laisser une femme attendre seule dans un café ? D'accord. Alors ne prenez pas avec lui ce genre de rendez-vous. Ou bien, partez en lui laissant un mot humoristique.
Ou bien venez avec un bon livre, sachant une fois pour toutes que 8 heures signifient pour lui 9 heures moins le quart.
Mais la scène que vous êtes en train de mijoter en parcourant pour la dixième fois un journal que vous connaissez jusqu'à la dernière des petites annonces, ce n'est pas un procédé.
On ne transforme jamais un homme — ou une femme — inexact. L'exactitude est une seconde nature. L'inexactitude aussi. Ni l'amour, ni les reproches, ni les larmes, ni les soupçons n'en viennent à bout. Alors à quoi bon ?
C'est à vous que vous faites du mal.
Vous étiez charmante quand vous êtes arrivée, maintenant il faudra un fameux courage à votre mari pour affronter ce visage-là.
J'ai connu une jeune femme qui racontait ainsi ses attentes — Au bout de dix minutes, disait-elle, j'étais inquiète. Après 20 minutes, j'étais ivre de rage, après une demi-heure, je commençais à me dire ''je ne vais pas faire la bêtise de montrer que je suis en colère.'' Et au bout de 3/4 d'heure il me trouvait riant aux éclats...
Tenez, le voilà, il arrive. Il finit toujours par arriver. Madame, je vous en supplie, pas de « Tu sais l'heure qu'il est ? », ni de « Mais enfin, viens-tu ? »... Moins encore de « Est-ce que tu te moques de moi » Divorcez si vous voulez. Oui, vraiment, on peut presque concevoir qu'on individu exact ne supporte pas la vie commune avec un individu inexact.
Mais comme vous n'avez évidemment pas de pareilles intentions, au lieu de récapituler rageusement, en l'attendant, tous les défauts que vous lui connaissez et les raisons que vous avez d'être hors de vous, essayez pour cette fois de faire l'autre liste, celle de ses qualités et des raisons que vous avez de passer sur ce travers.
Vous imaginez la tête du mari en retard et que vous accueillerez en lui disant :
— J'étais en train de penser que tu m'as vraiment fait un beau cadeau à Noël... Et que tu as été très gentil la semaine dernière pendant que j'avais la grippe.
Alors, mais alors seulement, vous pourrez ajouter :
— Quel dommage que tu ne sois jamais â l'heure... Mais quoi, on ne peut pas avoir toutes les qualités.
Et au lieu d'une soirée de hargne, votre rendez-vous préludera à une soirée d'amoureux.
Les conventions exigent que l'on s'adresse toujours aux femmes comme si elles étaient des jeunes filles — pures — ou des épouses — vertueuses.
Faut-il obéir aux conventions et oublier toutes les autres, toutes celles qui n'auraient peut-être pas demandé mieux que de glisser tout gentiment de la première catégorie dans la seconde et d'y rester, mais pour qui la vie en a décidé autrement ?
Vous qui passez, faut-il vous appeler madame ou mademoiselle ? Peu importe. Vous êtes « l'Autre ». Vous êtes celle qui vit dans l'ombre d'un homme marié. Ces liaisons sont celles où l'on se donne le plus de rendez-vous et où l'on parle le plus souvent de rupture. Il a promis à sa femme de ne plus vous revoir... Vous n'en pouvez plus d'être toujours seule, seule le dimanche, seule le soir, seule pour le Réveillon, seule pendant les vacances... Ou bien vous avez eu une querelle quelconque et au lieu de vous réconcilier doucement, vous avez dû vous séparer, encore dressés l'un contre l'autre, le cœur barbouillé, l'esprit en révolte, parce qu'il a dit d'un ton sec :
— Si je rentre après 8 heures, ça fera encore un drame.
Vingt fois vous avez prononcé le fatidique : « Il vaut mieux ne plus nous revoir. »