Vous aimez « Napoléon »?

Une reconstitution impériale. Et toujours l'engouement pour le personnage mystérieux
Qui regarde les cassettes pornographiques? Un peu tout le monde. En règle générale, les femmes sont réfractaires. Mais si l'on sait qu'il y a 900 diffusions par mois de films pornographiques à la télévision, on aura une idée de l'ampleur du phénomène. Faut-il s'en alarmer? Dans un bon reportage de M6 sur les adolescents en danger, on découvrait que, dès 11 ans, ils avaient tous vu plusieurs de ces cassettes, le plus souvent chez eux ou chez un copain. Les filles refusent de regarder. Les parents savent ou ne savent pas, ou font semblant. On a assez de soucis comme ça avec les gosses. Une femme visionne, elle, des cassettes pornos avec sa propre fille, une adolescente qui déteste ça. Mais la mère pense qu'elle fait son devoir d'éducatrice. Elle a peut-être raison, ce qui existe, il ne faut pas le dissimuler, il faut le démythifier. Plus facile à dire qu'à faire? Alors quoi? Interdire le déferlement pornographique? L'Allemagne l'a interdit à la télévision mais elle est le plus gros producteur de cassettes pornos. Interdire les cassettes? Cela ferait des milliers de consommateurs furieux, tous ceux qui s'en délectent chez eux. De quel droit les en priver? Et pourtant? On s'affole quand un enfant s'enrhume et on le laisse tranquillement absorber des représentations de l'homme, de la femme, de leurs relations qui peuvent marquer toute une vie. Sommes-nous vraiment incapables de les protéger? Apparemment. Alors, que Nicolas Sarkozy ne se ridiculise pas en interdisant de pauvres romans qui chantent la pédophilie? On a comme un doute que cette pratique s'apprenne dans les livres. Marie-France Santoni-Borne est principale dans un collège de Saint-Denis. Elle a une bonne collection de garnements de toutes les couleurs sous sa houlette. Et on la voit sur le pont toute la journée. Elle a une présence forte, chaleureuse, elle parle, elle écoute, elle explique ce qu'est la lâcheté, l'honneur, et la tuile qui va tomber sur la tête d'un coupable s'il récidive. Le jour de la rentrée, elle exige que les enfants se lèvent quand elle entre dans une classe et, désormais, ils le font. Elle ne punit pas, le moins possible, elle essaie de donner sa chance à chacun, de multiplier les discussions collectives, elle remonte le moral de ses professeurs qui sont quelquefois désarmés par cette bande de gamins. Une formidable bonne femme qui donne, là, une vraie leçon de ce que doit être l'autorité. Et ça marche! (FR3.) « Napoléon »: tout est impérial dans cette affaire! L'interprète principal, le budget, les décors qu'offre le patrimoine architectural de la France. Il faut louer les divers responsables de France 2 qui se sont acharnés à montrer que le service public aussi savait faire. Le choix de Christian Clavier pour interpréter le rôle-titre n'était pas évident. Il s'impose comme un grand comédien. Cette histoire que l'on connaît par cœur garde sa magie comme une vieille chanson dont les refrains vous reviennent? Les erreurs pullulent (voir celles qu'a recensées Laurent Joffrin ici la semaine dernière). Fanas de Napoléon mis à part, aucun spectateur ne s'en apercevra. L'engouement pour le personnage a, dans sa pérennité, un caractère mystérieux. Faut-il qu'il en ait charrié, des rêves, pour qu'il en reste encore une telle résonance. Parmi les grands conquérants, seul Alexandre le bat. S'interrogeant sur cette brève et inoubliable rencontre d'un homme et d'un peuple, Chateaubriand écrit : «Les Français vont instinctivement au pouvoir. Ils n'aiment point la liberté; l'égalité seule est leur idole. Sous ces deux rapports, Napoléon avait sa source au cœur des Français.» Un pur enchantement : Glenn Gould sur Arte. On croyait voir une compilation de documents déjà connus : nullement. On l'a entendu parler, beaucoup, on l'a vu choisir un piano, faire des numéros de virtuosité hallucinants sur son clavier. Il avait l'air heureux. Une fois de plus, on a détesté qu'il soit mort. Nouveau et nocturne sur Canal+: «Enquête de personnalité». Objectif : révéler ce qui n'est pas connu chez les gens connus. José Bové y perd son faux nez de paysan. Fils de bourgeois, élevé dans un collège catholique, on le voit militant depuis l'âge de 16 ans. McDo le fera connaître. Depuis, il a surtout fait preuve d'un véritable génie dans l'art de manipuler les médias, avec quelques erreurs. Paul-Loup Sulitzer est presque aussi fort dans l'autopromotion que José Bové. Il a gagné des millions avec des livres qu'il n'a pas écrits. Quand on l'a su, ses ventes ont faibli, mais c'est un financier, un fonds de commerce à lui tout seul. Il prospère. Tout cela n'était pas ennuyeux, un peu maigre. Heureusement que la sécurité est revenue! Sinon, que serait-ce! Une jeune fille arrosée d'essence et brûlée vive à Vitry, un jeune Maghrébin de 17 ans abattu sans motif à Dunkerque, Bertrand Delanoë poignardé à Paris. Joyeux week-end. Bon rétablissement, monsieur le maire. On pense à vous. F.G.

Jeudi, octobre 10, 2002
Le Nouvel Observateur