Votre chance, la voici

Cite et commente la lettre d'une Française d'Algérie qui voit dans l'OAS son dernier espoir.
« Vous nous abandonnez... Vous nous condamnez tous à mort... Vous ne voulez plus entendre parler de nous, hein ? Nous sommes les pelés, les galeux dont vient tout le mal. Mais essayez donc de nous comprendre !
« L'O.A.S., c'est le dernier espoir qui nous reste à nous. Alors, qu'elle fasse quelques morts de plus ou de moins, si c'est pour nous sauver, qu'est-ce que vous voulez que ça nous fasse ? »
C'est une Française d'Algérie qui écrit, de passage en métropole. Il y a de tout dans sa lettre, des imprécations, des injures, mais aussi une sorte d'étonnement pathétique. Comment peut-on s'insurger contre l'O.A.S. qui va la « sauver » ?
Nous sauver de quoi, madame ? Qui vous menace, en Algérie ? Ce sont les Algériens. Et qui peut maîtriser les Algériens ? Ce sont les chefs du F.L.N., s'ils en ont les moyens. Et qui peut leur donner ces moyens ? C'est la France. Ils ont besoin d'elle. Et ils le savent.
Imaginez un instant que l'O.A.S. tienne, là-bas, le gouvernement français en échec, qu'elle fasse la preuve de l'impuissance de la France à appliquer et respecter les accords de paix, qu'elle déconsidère du même coup, aux yeux des Algériens, leurs chefs actuels ?
Ah ! craignez ce jour, madame, car il pourrait être terrible. Quel bouclier vous offrira-t-elle, l'O.A.S., contre des milliers d'hommes exaspérés et qui n'ont rien à perdre, eux, ni leurs terres car ils n'ont pas de terres, ni leur maison car ils n'ont pas de maison, ni les économies d'une vie de travail, car ils n'ont pas d'économies. Et comme on se bat bien, lorsqu'on n'a rien à perdre...
L'O.A.S. n'a qu'un pouvoir, celui de vous nuire, celui de détruire le possible. Elle ne vous rendra pas l'impossible, ce qui fut votre Algérie. Alors vous mourrez, écrivez - vous, en combattant ? Les Algériens aussi. Et ils sont neuf fois plus nombreux. Vous avez des morts à venger ? Ils en ont tellement plus que vous.
C'est au suicide que vous conduit cette organisation issue d'ambitions déçues, mais nourrie de votre désespoir.
Ne parlons pas du mal qu'elle peut faire ici. Ce n'est pas votre problème. Et qui oserait vous le reprocher ?
Votre problème, c'est que la France parvienne à installer le F.L.N. en Algérie ! Vous n'en sortirez certes pas consolidée dans vos privilèges, mais possiblement protégée dans votre personne et dans vos biens. Le voyez-vous que c'est là, maintenant, votre chance ?
N'épiloguons pas sur ce qui aurait pu, en d'autres temps, être fait. C'est dans l'avenir qu'il faut savoir investir son amour-propre, non dans le passé.

F. G.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express