Ils ne sont pas révolutionnaires, ils veulent seulement changer la politique. On fait ça comment?
Les prémices de la campagne présidentielle ne sont pas exaltantes. Il y a un fou chez les Verts, c'est bien. On a besoin de fous, c'est eux qui font bouger les choses. Mais cette fois le fou vert a mis la barre trop haut en préconisant l'amnistie des Corses assassins. Il se retrouve avec une méchante étiquette sur le front : «irresponsable».Jean-Pierre Chevènement, s'il réussit à mettre d'accord son profil gauche et son profil droit, pourrait susciter davantage d'intérêt. Mais remettre la France à un homme qui démissionne à chaque contrariété laisse perplexe. François Bayrou avait des traits attachants. Mais il en fait trop. Dénigrer à la fois Chirac et Jospin, mis dans le même sac, pour se distinguer des «politiques», c'est puéril. Qui va prendre François Bayrou pour une jeune vierge soudain appelée par le Seigneur pour sauver la République? A droite, la jubilation qui s'empare de quelques-uns, par exemple Mme Alliot-Marie quand elle peut dire que le chômage repart ? on l'a même vue se mettre à danser en se trémoussant pour fêter l'heureux événement ?, cette jubilation a quelque chose qui fait mal. S'enchanter d'une nouvelle mauvaise pour le pays! Regardez-les bien, ils s'enchantent.Le Premier ministre lui-même n'a pas imprimé à ce début de campagne le petit frémissement que l'on attendait. On ne s'interroge pas sur ce qu'il a fait mais sur ce qu'il n'a pas fait et sur ce qu'il fera, c'est la règle absolue en politique. On n'est jamais élu ou battu sur un bilan. Sinon, Jacques Chirac pourrait aller se coucher tout de suite. Hors campagne se manifestent aussi des gens bruyants, agités, que l'on voit arracher les OGM expérimentaux, défiler ici et là sous des banderoles qui dénoncent la mondialisation : ce sont eux, aujourd'hui, qui remplissent les trous de la politique conventionnelle exténuée. Les méthodes sont contestables mais c'est ainsi que naîtra une sorte de contre-politique vivante. L'appeler «antimondialisation» est un non-sens. La mondialisation est un grand progrès quand elle ne sert pas uniquement de terrain de chasse aux rapaces. Mais le mot a été pollué, maintenant il sert de fourre-tout pour tous les mécontentements, c'est ce qu'a expliqué le président du comité scientifique d'Attac, le professeur René Passet, à Edwy Plenel sur LCI. Attac est, on le sait, cette organisation réformiste de pointe qui préconise la taxe Tobin sur les mouvements de capitaux. Attac n'est pas révolutionnaire : «Quand on rompt le lien social, on va toujours au désastre, mais il faut changer les sources du pouvoir. Cesser d'opposer démocratie directe et démocratie élective.» Là, on restait un peu sur sa faim. On fait ça comment? Le professeur Passet publie deux livres, cette semaine, chez Fayard, qui éclaireront la lanterne de ceux qui n'ont pas encore mis la politique au rancart de leurs préoccupations.Là on chasse l'électeur, ailleurs on chasse le spectateur ? vous, moi. Après la tornade «Loft Story», la bagarre est sévère entre chaînes. La Une a réussi un joli coup avec un ? bon ? feuilleton de fin de journée, «Koh-Lanta», fondé sur une nouvelle analyse : assez de télévision rose, le public veut voir la vie telle qu'elle est : compétition, loi du plus fort, humiliation des plus humbles? la recette marche. France 2 donne un coup de rein pour restaurer sa physionomie. Une heure par jour, désormais, pour Laurent Ruquier, l'information confiée à David Pujadas, transfuge de LCI, et un feuilleton du plus beau rose pour grands adolescents et leur maman, «le Groupe». Il n'y a aucun mal à en dire. Ni aucun bien, c'est gentil et inoffensif, ni porno, ni sadique, vaguement démodé, quoi! F. G.
Jeudi, septembre 6, 2001
Le Nouvel Observateur