Une jeune patrie à inventer

Numéro 2 de la liste du parti radical de Jean-Jacques Servan-Schreiber, FG défend à la veille de la campagne européenne, la construction d'une Europe supranationale.
Françoise Giroud, ancien ministre, No 2 de la liste « Emploi, Egalité, Europe », conduite par Jean-Jacques Servan- Schreiber, précise à « France-Soir » les positions qu'elle a prises dans la campagne européenne et exprime sa conviction que nous devons être « patriotes, mais patriotes européens.»
Tous les principaux candidats se sont prononcés contre une Europe supranationale et pour une Europe confédérale dans laquelle le principe de la souveraineté des nations reste sauvegardé. Françoise Giroud, au contraire, affirme clairement que l'objectif de sa liste est de construire une Europe qui aille bien au-delà du cadre des nations.

La semaine dernière, on pouvait encore croire qu'il existait une Communauté européenne.
Aujourd'hui, on sait qu'il s'agit d'une addition d'impuissances.
Quand le président des Etats-Unis traite ses alliés avec la même désinvolture que celle dont les princes du pétrole nous gratifient, qu'est-ce que cela signifie sinon que l'Europe n'existe pas ? Que c'est une fable ?
Chacun le sent bien que si elle existait, si elle était vivante, unie, pariant d'une seule voix, on ne la traiterait pas de la sorte. Parce que nous aurions alors la dimension et le nombre de la puissance.
La vérité, c'est que la vieille construction européenne, celle du Traité de Rome inventé il y a 22 ans, quand le Japon n'avait pas encore d'existence industrielle, quand le pétrole coulait à flots et à bas prix, quand l'Amérique avait les moyens d'être généreuse, quand les taux de change étaient fixes et que personne n'imaginait qu'un jour ils puissent flotter, cette vieille construction est en train de s'écrouler sur nous.
Et comme le coq de Chantecler, certains semblent croire sincèrement qu'en chantant cocorico, ils épargneront aux Français le malheur de voir le soleil se coucher sur leur pays.
Mais ceux qui, à travers les années, se sont battus pour protéger leur territoire, leurs récoltes, l'avenir de leurs enfants, ils ne l'ont pas fait en marchant à reculons! En regardant en arrière, en restant en retard d'une guerre...
Ils étaient patriotes? Eh bien justement : soyons patriotes. Mais patriotes européens... Et même, soyons nationalistes si on tient à ce mot que je n'aime pas, tant il a fait couler de sang. Mais soyons nationalistes européens...

«Ultra Européenne »

Défendre la France, aujourd'hui, c'est-à-dire les Français, si ce n'est pas défendre l'Europe, qu'est-ce que c'est ? Si ce n'est pas en premier lieu combattre le chômage, qu'est-ce que c'est? Au lieu de quoi la Communauté économique reste livrée à une concurrence intestine épuisante, plus épuisante encore pour la France que pour l'Allemagne parce que notre appareil Industriel n'a pas été modernisé à temps.
On me dit : « Vous êtes ultra Européenne ! » Eh bien oui, je le suis. C'est pourquoi je conduis la 5e liste, avec Jean-Jacques Servan-Schreiber,
Est-ce que le chômage n'est pas ultra européen ? Est-ce que l'inflation n'est pas ultra européenne ? Est-ce que le prix du pétrole respecte les frontières ? Est-ce que l'énergie nucléaire, si une centrale se fissurait, s'arrêterait poliment à la douane ?
Il y a une très ancienne patrie européenne, c'est celle de la culture que nous partageons depuis des siècles. Il y a une nouvelle patrie européenne à inventer, celle de la nouvelle croissance, où se développeront les Industries du futur, sobres en énergie, fertiles en emplois, fondées sur la matière grise dont nos pays possèdent tant de gisements.
Il y a une jeune patrie européenne à créer, volontariste, réductrice d'inégalités, moins prospère peut-être mais moins injuste, plus humaine, où chacun sera plus riche en vraies richesses. Un rêve? Mais c'est de rêves que nous manquons le plus. Et celui-là peut devenir la réalité de demain, si les patriotes européens sont assez nombreux.
Mais il faut savoir qu'il est déjà bien tard. Et que l'Histoire n'attendra pas longtemps au bord de la route les traînards de l'espoir, les traînards de l'Europe, les traînards tout court.
Elle nous a donné rendez-vous le 10 juin pour savoir sur qui elle peut compter. Moi, j'y serai. Et vous ?

Mardi, octobre 29, 2013
France-Soir