Jacques Chirac est bien ces jours-ci. Comme il peut être quand une véritable conviction l'anime et non quelque ruse. George Bush est dangereux. Ce n'est pas un chef d'Etat. Il est novice en matière internationale. Il veut balayer Saddam Hussein «pour venger papa», a-t-il répété. Papa qui est cependant très réservé dans cette affaire où il n'est pas écouté. Il faut retenir Bush Junior par le fond de sa culotte. C'est ce que le président français a fait, obtenant que les Etats-Unis demandent l'avis du Conseil de Sécurité avant d'attaquer l'Irak. Dans les couloirs de l'ONU, les briscards n'en reviennent pas de ce qu'ils appellent une victoire diplomatique de la France. Ce qui est un peu rapide car tout ce ramdam n'est pas fini mais le pire sera peut-être évité. Il faut dire que, après ce que révèle la tragédie de Bali et ce chef islamiste dédaigneux, Abou Bakar Bashir, qui recommande de prier pour Ben Laden, on comprend de moins en moins pourquoi la foudre devrait s'abattre prioritairement sur Saddam. Al-Qaida, ce n'est pas lui. C'est une toile d'araignée, des forces dispersées, apparemment autonomes pour mener la guerre sainte. Que les assassins de Bali aient exterminé pour l'essentiel des Australiens qui viennent là danser achève de rendre opaque ce terrorisme qui prétend faire la volonté de Dieu. Match TV a des heures de diffusion fantaisistes mais offre des programmes dans la meilleure tradition du grand reportage. Cette fois, l'émission révélait l'existence d'un groupe néonazi russe qui revendique 15000 membres et dont le chef appelle ouvertement au meurtre de tout ce qui n'est pas slave. Ses jeunes recrues ne rêvent que d'en découdre. Le Parlement hésite à l'interdire? Des images surprenantes sur Bollywood (Hollywood à Bombay). Vedettes d'une beauté somptueuse, adolescentes groupées aux portes des studios, toutes candidates à un petit rôle qu'elles obtiennent parfois, la plus grosse industrie cinématographique du monde. C'est «Star Academy» tous les jours. Sautant à pieds joints dans le sujet qui fâche, la pornographie, et le prenant par tous les bouts, Mireille Dumas a réussi une sorte de mille-feuille exhaustif. Magnifique, une jeune femme algérienne aux yeux bleus, Samira, violée à 14 ans par une bande de garçons, a su se décrire détruite, humiliée, persuadée par sa famille de son indignité mais finissant par se reprendre en main après avoir porté plainte, durcie aujourd'hui mais capable d'humour. Elle adjure les filles violées de porter plainte, seule chance de s'en remettre même si les procès sont parfois atroces. D'autres sujets étaient ébouriffants. Mais le porno à la louche, c'est trop. J'ai décroché quand la petite de 17 ans, violée elle aussi, mais dans un autre milieu, couvée par sa mère, a choisi de devenir vedette de films pornos et parfois, par crise, se prostitue. Tout existe mais, quelquefois, on n'a pas envie de le savoir. Matisse et Picasso, les deux grands de leur siècle, honorés en ce moment par une exposition en duo à Paris, ne sont pas comparables. Aussi ne faut-il pas illustrer ce duo, comme on l'a beaucoup fait, avec deux compotiers ou bien une femme peinte par l'homme de Picardie et une autre par l'homme d'Andalousie dans la même attitude. Philippe Kohly, auteur d'un beau documentaire sur les deux maîtres, orné de beaucoup d'œuvres qui ne sont pas au Grand-Palais, s'est gardé de tomber dans cet artifice. Ce qu'il montre, ce sont deux démarches parallèles mais jamais similaires, le respect réciproque qu'ils ne cesseront de se manifester, ce qui n'était pourtant pas le genre de Picasso, l'étrangeté de cette entente singulière, sans familiarité, qui durera jusqu'à la mort de Matisse (FR3). Un plaisir délicat : deux heures avec Patrice Chéreau parlant, avec Bernard Rapp, de lui et de son travail («les Feux de la rampe»). L'intérêt de l'émission dépend évidemment de celui qui est interrogé. Avec Chéreau peut-être suis-je partiale, je l'aime beaucoup. Son visage de petit garçon m'émeut, son talent de metteur en scène m'émerveille dans toutes ses facettes, depuis le Chéreau des Amandiers et de Koltès à Nanterre jusqu'au Chéreau d'«Intimacy», son meilleur film, abouti, en passant par le Chéreau de Bayreuth. On ne peut condenser deux heures de confidences. On peut seulement donner du regret à qui ne les a pas entendues (FR3). F. G.
Jeudi, octobre 24, 2002
Le Nouvel Observateur