Comment va-t-il la jouer, Chirac, pris dans la tourmente de la cassette Méry ?Mais qu'il se décide !
Les prochains sujets ne seront peut-être pas aussi piquants mais avec «Pièces à conviction» l'excellent Hervé Brusini a assuré l'audience, à 23 heures passées, d'une nouvelle émission sur France 3. Il s'agissait, il faut dire, de larges extraits d'une certaine cassette, assortis de reportages : Chirac et Méry en 1989, Chirac et Méry encore, penchés sur la maquette d'une marina dont Méry a le projet. Autour d'eux, Juppé, Sarkozy, Barzach. A l'époque, c'est un seigneur du RPR, Méry, il pilote le marché du siècle, les ascenseurs des HLM de Paris, 60 millions de francs de malversation estimée. On le verra aussi avant l'enregistrement de la cassette, nerveux et comme traqué, avec un mauvais rire. «Ça n'intéresse plus personne» , a déclaré Eric Raoult, député RPR. Ce qui les rend tuants, c'est que souvent ils sont bêtes. Il y a quelqu'un, en tout cas, que ça intéresse, c'est le président de la République. Qu'on se mette à sa place avec les entrailles du RPR ouvertes, là, devant tout le monde. Mais on a l'impression qu'une sorte de stupeur paralyse l'Elysée. C'est le grand silence blanc. Toute la place est laissée aux médias. Deux nouvelles émissions sont annoncées sur le sujet, par M6 et Canal+. Seul M. Chirac pourrait dire s'il s'agit là d'une stratégie ? se taire et attendre que le feu s'étouffe de lui-même ? ou d'une panne sèche d'imagination quant aux moyens de se dédouaner. Où trouver les mots qui dissiperaient le trouble des Français? Sur quel ton? Celui de l'aveu ou de la dénégation? Sur le mode grave ou désinvolte? La jouer «sympa» ou monarchique? Ah! Que tout cela est donc délicat! Il serait bon cependant qu'il se décide avant que sa physionomie soit davantage détériorée, ce qui n'est pas souhaitable quoi que l'on pense du fond de l'affaire. Le procès Barbie : une grande première. Jamais un procès, et quel procès, n'a fait l'objet d'une diffusion quasi intégrale, jamais on n'a vu des témoins de face, si proches que leurs larmes deviennent les nôtres quand elles coulent sur leurs joues usées. Jamais un tel effort de pédagogie n'a été fourni pour traduire le jargon judiciaire, seul l'accusé est un peu absent, blotti dans son box. De temps en temps perce son profil d'oiseau. Un moment retient. C'est au deuxième jour d'audience. Barbie se penche vers son avocat, Jacques Vergès. Celui-ci lui glisse un feuillet plié en quatre. Barbie met ses lunettes, et lit : «Je n'ai plus l'intention de paraître devant ce tribunal.» Conseil de Vergès? On ne sait pas. Le fait est qu'il ne paraîtra plus. Le seul reproche que l'on fera à ce monument, c'est sa programmation. Deux heures par jour pendant trente-sept jours (sur la chaîne Histoire), c'est l'asphyxie. Pour le reste, son intérêt proprement historique, l'intensité de l'émotion qui s'en dégage et dont on peine à se défaire font de ce document fleuve un spectacle sans précédent. C'est faire bien de l'honneur à Barbie que de lui donner son nom. Ce n'était rien Barbie, n'importe qui avec des galons. Il y en a eu de pires. Mais le voilà entré dans l'Histoire. Autre visage de l'horreur, la guerre de Bosnie telle que l'a vécue un détachement de casques bleus expédiés là pour protéger les civils. Le détachement est anglais. Le film «Warriors», qui mêle document et fiction, est produit par la BBC. Il est déchirant. Témoins d'atrocités de la part de Serbes et de Croates, ces jeunes gens qui sont partis en chantant pour une mission humanitaire sont paralysés par les ordres qu'ils reçoivent. On leur demande d'assister muets à la mise à feu d'un village habité, à l'assassinat collectif d'enfants, de familles qu'ils ont sauvées la veille : neutralité oblige. Ils enragent, piégés dans un système incohérent. On n'est pas le témoin neutre de tortures! Les garçons du peloton ont quitté la Bosnie, brisés jusqu'au fond d'eux-mêmes. Le film de Peter Kosminsky montre une fois de plus que les chefs-d'œuvre ne se font pas avec des effets spéciaux et des millions de dollars. Ils naissent quand quelqu'un a quelque chose à dire (Arte). Jacques Attali publie un «Pascal» superbe, érudit mais tendre. Il l'aime. Qui ne l'aime pas, ce pur génie fragile et irréductible? C'est passionnant de A à Z. Autour de lui, les invités de Pivot ont beaucoup glosé sur le Paradis et l'Enfer, Dieu et le Diable, la vieille paire quoi, qui n'en finira jamais de faire parler d'elle si l'on observe la passion qu'y ont mis deux bons esprits, Jean Delumeau et Philippe Sollers (France 2). Sollers, qui a des agents au Ciel, nous a annoncé que le pape irait au paradis. Ainsi soit-il. F. G.
Jeudi, novembre 2, 2000
Le Nouvel Observateur