Sur la suppression de l'essence par le ministre de la Production industrielle, Robert Lacoste ( les tickets d'essence de février ne seraient pas honorés)
Le Larousse prétend que c'est un « hydrocarbure obtenu par distillation des pétroles bruts et que l'on emploie comme carburant dans les moteurs à explosion ».
Le ministre de la Production industrielle, M. Robert Lacoste, prétend que c'est un problème. Aussi, pour qu'il n'y ait plus de problème, at-il supprimé l'essence. C'était simple, il suffisait d'y penser.
Remarquez que M. Lacoste n'a pas fait d'effort d'imagination. Il s'est contenté d'imiter M. René Mayer, qui avait dit avant lui :
« Les Français- ont des ennuis d'argent ? Supprimons l'argent, nous supprimerons les ennuis. »
Ce sont ces circonstances-là qui vous font apprécier la douceur de se sentir gouvernés.
Malheureusement, les Français, toujours ingrats, n'ont pas l'air de comprendre la chance qu'ils ont, car voici comment les représentants de diverses catégories de citoyens ont réagi en apprenant que les tickets d'essence, de février ne seraient pas honorés :
LE PIÉTON QUI N'A PAS DE VOITURE.
— Pour une fois, ce sont les riches qui trinquent ! Bravo ! Parce que l'essence, moi... J'ai bien d'autres soucis en tête. Ma santé, par exemple... Avec ces autobus qui passent tous les trois quarts d'heure on se d'mande pourquoi (tiens, c'est peutêtre faute d'essence ?), je crois que j'ai attrapé une bonne bronchite en piétinant sous la pluie. 30° 5 ? Allô ! Docteur? Comment, vous ne pouvez pas venir ! Vous n'avez pas d'essence ? Mais c'est un scandale! Ah ! là là ! Quel pays ! Quelle pagaïe !
LE MONSIEUR QUI A UNE STMCA 5.
— En vidant dans mon réservoir tous les briquets de mes amis, j'arriverai bien à rouler aujourd'hui. Mais après ? Je comprendrais encore qu'on supprime les allocations aux voitures qui font plus de dix chevaux. Dans les époques difficiles, tout le monde doit y mettre du sien, que diable ! Quand je vois toutes ces Citroën !... La France a consommé en décembre cent trente-deux mille mètres cubes d'essence ? Si les Simca étaient seules autorisées à rouler, elle aurait consommé le tiers. C'est pourtant simple ! Même un ministre peut comprendre ce raisonnement. Ah ! là là ! Quel pays î Quelle pagaïe !
LE MONSIEUR QUI A UNE CITROEN.
- Une traction avant, ce n'est pourtant pas du luxe. Si encore on avait supprimé toutes les voitures au-dessus de 15 C.V., comme il en a été si souvent question, je comprendrais... Mais pour que le général qui habite ma maison roule en Delahaye, on a fait ce gâchis lamentable. Ils ne pouvaient pas prendre un peu le métro, les généraux ? Parce qu'enfin, si on en est là, c'est bien leur faute. Ils n'avaient qu'à gagner la guerre ! En attendant, je vais tout de même demander audit général de me prêter cinq litres pour aujourd'hui... Ah ! là là ! Quel pays ! Quelle pagaïe !
LE MONSIEUR QUI A UNE MOTOCYCLETTE.
— Naturellement, ce sont encore les petits qui trinquent. Le 25 septembre, M. Lacoste déclarait déjà que la situation était rétablie parce qu'il réduisait les allocations aux motocyclistes ! Parce que les motocyclistes, comme chacun sait, brûlaient tout le carburant dont nous disposions ! Deux litres et demi aux cent... De quoi se marrer s'il n'y avait pas de quoi pleurer. Ah ! là là ! Quel pays ! Quelle pagaïe !
LE MONSIEUR QUI A UNE PACKARD.
— Vingt-cinq litres, je vous prie, j'en aurai assez pour la journée. Comment, 300 francs le litre? Mais elle était à 125 la semaine dernière ! A ce prix, je préfère aller passer un mois à Saint- Moritz ! On dirait vraiment que le gouvernement fait tout ce qu'il peut pour encourager les trafiquants. A propos, vous n'avez pas un tuyau pour les billets de 5.000 ? J'en ai encore un sérieux paquet. Croyez-vous, hein? Quel pays! Quelle pagaïe !
M. ROBERT LACOSTE (à son chauffeur). — Gustave, à la maison.
