Sans titre

Sur la défaite de la gauche alors même qu'elle se trouvait selon elle dans les meilleures dispositions possibles pour remporter l'élection présidentielles.
S'ils n'ont pas entendu, cette fois, siffler les balles, il n'y aura pas pour eux de prochaine fois.
L'avertissement donné au premier tour des élections législatives de 1973 était tombé dans l'oreille d'un sourd. Celui qu'un électeur sur deux vient de donner au nouveau président de la République est plus net encore, et vibrant de rage.
Unie, préparée, conduite par un homme de grande dimension, sortant d'exil dans une conjoncture économique inquiétante mais pas dramatique, la gauche se trouvait dans la meilleure situation possible pour conquérir légalement le pouvoir d'Etat.
Que lui a-t-il manqué pour y parvenir ?
Sa courte victoire, M. Giscard d'Estaing la doit sans doute non à la peur, mais à la répugnance devant l'imprévisible qu'une victoire de M. Mitterrand pouvait libérer. Le dérapage qu'il ne saurait pas contrôler. La délation et la vengeance, l'appel à la haine, le terrorisme intellectuel et l'utopie égalitaire — « à chacun non les mêmes chances mais les mêmes résultats ; à tous non les mêmes droits mais les mêmes pouvoirs » — bref, 1792.
A un 1789, il se peut bien, en revanche, que les Français soient prêts. N'est-ce pas le rêve des « bourgeois éclairés » que la société accouche sans douleur de son héritière, en quelque nouvelle nuit du 4 août ? Ne trouvait-on pas, au Club des jacobins, Victor de Broglie et le duc d'Aiguillon, comme on trouvait la semaine dernière, parmi les supporters de M. Mitterrand, quelques puissants actionnaires d'une grande affaire multinationale ? N'est-il pas évident qu'un large consensus existe dans ce pays pour que des réformes touchant au fond soient enfin mises en œuvre ?
Que M. Giscard d'Estaing soit capable non seulement de le comprendre, mais d'en sentir l'urgence et d'en être l'artisan, et nous ferons l'économie d'une guerre civile, ouverte ou larvée.
Il nous a annoncé qu'élu il changerait le style de la présidence. Va pour le style. Mais il ne peut guère ignorer, aujourd'hui, que cela n'y suffira pas.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express