Concernant l'état de santé préoccupant de Pompidou, or dans un contexte de crise, il est du devoir du chef de l'Etat de faire la démonstration de sa force.
On aimerait respecter la paix d'un homme qui souffre, fût-il président de la République, au lieu de le harceler de sondages. C'est la part terrible du pouvoir suprême que d'avoir une prostate, une vésicule, des Vertèbres publiques.
Mais que faire ? L'indécence, la vraie, n'est pas celle que dénoncent des fourbes, mais la leur, qui consiste à en parler pour dire qu'il n'en faut pas parler.
Le titre même de chef d'Etat contient le mot chef. Qui recouvre, dans le système français actuel, une puissante réalité.
Dans une période plus calme, la fatigue et les indispositions répétées de M. Pompidou auraient provoqué essentiellement de la sympathie, pour peu qu'on veuille bien en informer exactement les Français. Après tout, il arrive à chacun d'être malade, et de guérir, ou de supporter quelques maux chroniques sans en être pour autant gravement handicapé.
Mais nous sommes, depuis quelques mois, et de jour en jour davantage, dans une situation générale tendue, confuse, trouble. Une situation où, consciemment ou non, on exige beaucoup du « chef », et d'abord qu'il rassure.
La France n'est pas au bord d'un gouffre ou à la veille d'une guerre. Mais elle est à la fois nerveuse et inquiète comme il arrive « quand le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle sur l'esprit gémissant en proie aux lourds ennuis ». Personne, il faut bien le dire, personne ne maîtrise intellectuellement l'ensemble des problèmes qui se posent, si chacun sent bien qu'un certain passé est en train de s'achever, un certain équilibre de se rompre. Mais on peut aborder l'avenir, c'est-à-dire la journée de demain, avec plus ou moins de confiance en ses propres ressources et en celles du pays pour traverser une crise aux multiples visages. On peut être déprimé et déprimant, ou tonique et tonifiant. On peut se morfondre ou se mobiliser. Ajouter aux difficultés quotidiennes en les grossissant ou trier l'essentiel de l'accessoire.
Et, qu'on le veuille ou non, le comportement collectif d'un pays est toujours, d'une certaine façon, influencé par l'image de son chef, parce que, là où il se trouve, il le colore, il met en lumière telle potentialité, ou au contraire telle autre.
Dans un monde dur et télévisé, le spectacle de la santé est devenu le cruel devoir des chefs d'Etat modernes.
Mardi, octobre 29, 2013
L’Express
politique intérieure