Sans titre

Portrait en symétrie de deux ministres des Affaires étrangères Jobert et Bidault. Ce dernier entra dans le Pacte atlantique, Jobert chercherait à en sortir
Qui a dit :
— On ne peut pas jeter un piano à queue par la fenêtre et jouer ensuite la Septième Symphonie...
— Job n'est pas mort sur son fumier...
— Quand il y a un cadavre dans le placard, ce n'est pas le moment de soulever le tapis...
— Il ne s'agit pas de substituer des Mirage aux F 104. Regardons le sourire de Mona Lisa...
— Nous n'avons aucun goût pour les plats cuisinés d'avance...
— Il est plus facile de se laver les dents dans un verre à pied que les pieds dans un verre à dents...
Qui ? Quelques indications aideront à identifier l'auteur de ces fortes pensées politiques, si ce n'est déjà fait.
Signalement : frêle, et même menu. On l'a baptisé « le petit homme ». Ecrasé par le décor grandiose de son bureau. Charmeur en privé, grinçant en public, où sa voix le dessert autant que ces circonlocutions, voir échantillons ci-dessus. Intelligence rare, ambition sans limite, reçu premier à l'agrégation d'Histoire, plus que conscient de sa valeur intellectuelle. Fonction principale : ministre des Affaires étrangères, obsédé par le rôle de la France dans le monde.
Le voilà situé, maintenant. Son nom... Eh bien, ce n'est pas lui !
Signalement et formules — la quatrième exceptée — n'appartiennent pas à M. Michel Jobert, énarque et non historien, chef de la diplomatie française, mais à un homme qui fit quelque bruit quand il occupa le même emploi. Il est connu, ou plutôt il ne l'est plus, sous le nom de Georges Bidault.
Si l'on se souvient que M. Bidault fut, du côté français, celui qui entra dans le Pacte atlantique, si l'on constate ce que chacun peut constater : que M. Jobert est, du côté français, celui qui cherche à en sortir ou, du moins, à le faire croire tout en espérant qu'on ne le croira pas, on conviendra que la symétrie Bidault-Jobert est piquante.
Ce n'est pas le Champagne, il est vrai, qui grise le second, mais les trop soudaines délices du pouvoir.
On guérit de ces ivresses-là.
Comme dit M. Jobert lorsqu'il parle comme tout le monde, « le temps qui passe remet chaque chose à sa place ».

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express