Sans titre

La vente d'armes et ses bienfaits pour les finances de l'Etat. Enjoint avec humour les pacifistes à taire leur protestation.
Il y a au moins une catégorie de travailleurs que le souci de l'avenir épargne, en France. Ce sont les ouvriers des usines d'armement. De ce côté-là, les nouvelles sont excellentes. Nos produits sont demandés partout...
Non seulement aucun chômage n'est à craindre, mais on peut compter sur un accroissement intéressant de nos exportations. Et chacun sait, depuis que le ministre des Finances l'a dit, que, pour compenser l'augmentation du prix du pétrole, il faudra exporter, exporter, exporter, à concurrence de 31 milliards.
Donc, pas de sentiment et de manifestations déplacées : plus nous vendrons d'avions, de chars, de missiles, moins dure sera l'année. D'ailleurs, a-t-on jamais vu l'un de ceux qui peaufinent ces merveilles électroniques déclarer que son travail le dégoûte et se présenter à l'embauche chez Renault? A-t-on jamais entendu dire qu'une grève pour objection morale ait paralysé les arsenaux, quelle que soit la destination des armes en fabrication ?
Alors, de grâce, évêques turbulents, pacifistes impénitents, cœurs tendres, consciences blessées, au nom de la balance commerciale et des travailleurs français réunis, on vous demande un silence compréhensif. Trente et un milliards, vous vous rendez compte ? Non. D'ailleurs, qui peut se rendre compte ? Trente et un mille Francs, on saisit tout de suite, c'est une somme. Trente et un milliards, c'est un concept.
Le traduit-on, par un vieux réflexe, en anciens francs ? Cela devient imprononçable. Comment dit-on 3 100 000 000 000? On ne le dit pas. L'occasion ne se présente pas souvent, il est vrai.
Cherche-t-on un élément de comparaison ? Dans ces zones-là, il n'y en a qu'un, le budget de la France. Il était, en 1973, de 200 milliards et quelques. Trente et un milliards, c'est donc énorme quand cela cesse d'être abstrait. Ils ne nous font pas de cadeaux, les producteurs de pétrole.
Mais il n'est pas certain que nous leur en fassions en leur livrant des armes. Sinistre échange que le commerce où l'on troque des chômeurs en puissance contre des morts en sursis.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express