sans titre

FG décrit la complexification du jeu politique international, dominé par les Etats-Unis et l'URSS.
Quand les dieux se mettent à battre les cartes, il est sage de se placer hors jeu.
Mais voilà que, pour la première fois dans l'Histoire, le monde entier se retrouve impliqué dans la même partie. Le temps des spectateurs est fini.
Quand le roi Fayçal éternue, à Riyad, le Japon s'enrhume. Si l'industrie française est affectée par les restrictions d'énergie, ce sont les travailleurs algériens qui seront les premiers chômeurs. C'est à Pékin que l'on appréciera le moins le rétablissement du trafic dans le canal de Suez, c'est-à-dire l'ouverture de l'océan Indien à la flotte soviétique. Et ainsi de suite.
Encore s'agit-il là d'un enchaînement logique de causes à effets. Il est difficile de le percevoir, décourageant de chercher à le maîtriser intellectuellement dans toutes ses dimensions. On peut du moins saisir son ampleur et admirer que M. Kissinger s'y ébatte comme un poisson dans l'eau. Il aime.
Mais, dans ce jeu planétaire, qui est le partenaire de qui, pour faire quoi, contre qui, en vertu de quels principes, de quelle idéologie, de quelles solidarités, de quels intérêts ?...
L'ensemble des actions qui se déroulent depuis quelques semaines — ou, du moins, ce qui en est rendu public — est irréductible aux idées sur lesquelles l'Europe occidentale, de gauche ou de droite, a longtemps vécu.
Le ravitaillement de vingt mille soldats égyptiens, pris en tenaille par les Israéliens, n'a pas cessé d'être un élément majeur de négociation. Dans le même temps, cinquante à cent mille Ethiopiens, ralliés à la cause arabe, mouraient. De faim.
Quinze personnes condamnées par le tribunal militaire de Kenitra ont été passées par les armes au Maroc. Motif : ont participé, le 3 mars dernier, à une série d'actions subversives contre le régime. Fomentées où ? Selon l'accusation, en Syrie et en Libye.
Qui paie à l'Union soviétique les armes livrées en masse à l'Egypte et à la Syrie ? Un bouquet de rois et de princes, dont les revenus proviennent des royalties versées essentiellement par les compagnies américaines.
Et si, muni de ces armes, M. Sadate a fait la guerre à Israël, c'est pour réconcilier l'Egypte avec... les Etats-Unis.
Il ne suffit pas de dire que le monde n'est plus noir et blanc. Il n'est même plus rouge et blanc.
Il est américano-soviétique. Aussi se prend-on à faire des vœux pour la santé de M. Brejnev. Car il ne manquerait plus qu'il ait, lui aussi, du plomb dans l'aile.