Sans titre

Critique l'attribution du Prix nobel de la paix à Kissinger
Voilà que colombe se dit, en norvégien, Kissinger, à présent. Il fallait y penser.
Quant à M. Le Duc Tho, qui partage étrangement cet honneur avec le ministre américain des Affaires étrangères, la guerre qui l'intéresse n'a pas cessé, que l'on sache.
Une bataille opposant, il y a quelques jours, dans la région de Ty Ninh, deux bataillons sud-vietnamiens à une unité vietcong, le 101e régiment, qui serait largement composé de Nord-Vietnamiens, a fait trois cents morts. Trois cents. Le week-end précédent, dans un autre affrontement, des tanks ont été engagés par les troupes communistes.
Depuis que l'on ne meurt plus au Vietnam sous des bombes lancées par des Américains, les victimes n'intéressent plus personne, il est vrai, quel que soit leur camp. Tout de même... Se peut-il que leurs cris ne soient pas parvenus jusqu'à Oslo ? Et que le fracas des armes déployées au Proche-Orient y chante la fraternité entre les nations, chère au cœur d'Alfred Nobel ?
S'il y avait un prix Nobel de l'humour noir, il faudrait l'attribuer à Mme Aase Lionaess, ainsi qu'à MM. Bernt Ingvalden et John Sannes. Ce sont les trois honorables personnes, désignées par le Parlement norvégien, qui ont cru distinguer en MM. Kissinger et Le Duc Tho les pacifistes les plus méritants de l'année. Leurs deux collègues, MM. Hovdhaugen et Roghlien, en ont démissionné d'étonnement, après avoir essayé en vain de s'opposer à un choix jugé indécent.
C'est donc la guerre, aussi, et pour la première fois depuis soixante-douze ans, au sein du Comité Nobel de la Paix. Alfred Nobel, idéaliste sarcastique, hostile à l'héritage, qu'il tenait pour un encouragement apporté aux paresseux, eût été sans doute capable d'en rire. Jusqu'aux larmes, qu'il avait faciles, dit-on.
Pour aller jusqu'au bout de la dérision, rappelons que la fortune du fameux Suédois, dont les revenus iront pour une part, cette année, à M. Kissinger, n'a pas seulement pour origine l'invention de la dynamite et autres explosifs.
Elle provient essentiellement de l'exploitation de quoi ? De puits de pétrole. Situés en Russie.
Eh oui !

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express