Sans titre

Sur l'éviction dans la Chine communiste d'un proche de Mao, Lin Piao, taxé de traîtrise.
Désormais, c'est officiel.
Arriviste petit-bourgeois, conspirateur, contre-révolutionnaire, renégat et traître, tel était Lin Piao, le maréchal rouge, compagnon de Mao Tsé-toung et son héritier présumé jusqu'en septembre 1971.
La monotone terminologie communiste qui ensevelit du jour au lendemain les grands hommes de la veille n'en finira jamais d'étonner.
En somme, dès que l'on devient marxiste-léniniste, la cécité vous menace, le jugement défaille, l'instinct vous trahit, au point qu'un Mao Tsétoung lui-même peut prendre, pendant des années, un arriviste petit-bourgeois pour un « fidèle disciple ». Supérieure sur le plan des faits, l'analyse marxiste conduirait curieusement à l'aveuglement quand il s'agit des hommes.
Encore est-ce l'hypothèse la plus optimiste, l'autre étant qu'en Chine, comme en Union soviétique, celui qui entre en conflit avec le consortium au pouvoir ne peut être qu'un traître, un pervers ou un aliéné, traité en conséquence.
On aurait tort de penser qu'il s'agit là d'une spécialité exotique.
Dans les sociétés libérales où — vérifiant l'analyse de Tocqueville — on voit le pouvoir politique se gonfler d'autant plus que les autorités morales, sociales, spirituelles sont ébranlées, la démarche intellectuelle des dirigeants est identique. Ne sont-ils pas, au fond, convaincus que tout opposant est un traître ? Un pervers ? Une incarnation du mal qu'il faudrait, au nom du bien public, retirer de la circulation ?
M. Nixon et les « plombiers » du Watergate n'en ont pas douté. En France, le petit Rousset est encore en prison et, pour une histoire de sucre, on voit M. Claude Cheysson, notre représentant à la Communauté européenne, se faire traiter d'agent de l'étranger par M. Chirac.
La différence avec les dirigeants communistes n'est que de degré. Mais, précisément, toute la différence est là.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express