Sans titre

Affaire Lip
On ne rosse jamais le commissaire sans succès de rire. C'est avec la sympathie d'une bonne partie du public que le personnel de Lip se bat contre toutes autorités réunies, pour faire échec à l'éclatement de la société et au licenciement du tiers, environ, des salariés. Quatre à six cents sur treize cents.
Que voit le public dans ce combat ? D'un côté, des gens attachés, semble-t-il, à leur entreprise et à leur travail... Ce n'est plus si courant. Qui rient au nez du ministre, M. Charbonnel, quand celui-ci propose, après trois mois de tension, un plan identique à celui qui fut à l'origine de la rébellion. Et qui ont trouvé le système le plus populaire en France — le système D — pour assurer cette semaine la paie des ouvriers : ils y pourvoient par la vente directe des stocks de montres aux sympathisants.
Une atteinte au droit de propriété ? Sans doute. La plus impopulaire en France quand elle spolie une personne privée. Mais quand il s'agit, pour 43 %, d'une société anonyme suisse, un groupe, comme on dit, quand ce groupe paraît indubitablement responsable de la mauvaise gestion de Lip, déficitaire depuis trois ans au rythme de 8 millions lourds par an, d'où la crise... Obscurément, mais profondément, la notion de justice l'emporte sur la notion de propriété, et le respect des lois. L'illégitime paraît être que les salariés de Lip paient les pots, sinon les montres, cassés par une direction défaillante ou secrètement déterminée à couler l'affaire.
C'est bien dangereux de ranger les bons sentiments d'un pays dans la subversion. Et les plus clairvoyants parmi les patrons ne s'y trompent pas : si quelque chose mérite le nom de subversion, c'est ce déni de la légalité qui met en question, à partir d'une affaire bien concrète, les structures fondamentales de la société où nous sommes. Ce n'est pas « Le Dernier Tango à Paris ».
Morale mise à part, et quelque morale que l'on soutienne dans cette affaire dont on voit mal comment elle pourrait tourner bien, nous voilà avec le cuirassé « Potemkine » en rade de Besançon.
On a vu des situations plus tranquilles au mois d'août.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express