Sans titre

Critique le président Pompidou qui juge irraisonné les mécontentement des français
Selon qu'il a l'humeur ourlée de rose ou bordée de noir, le président de la République fait diffuser par voie de presse le résultat, rose ou noir, de ses méditations.
Les dernières étaient sombres. Situation générale préoccupante à bien des égards, unité nécessaire... Bref, le grand numéro. L'effet, immédiat, dépassa sans doute les prévisions, puisque de nouvelles déclarations viennent d'apporter quelques nuances au tableau.
La France va bien. M. Pompidou le sait : il l'a rencontrée. Entre Cajarc et Fouesnant. Elle lui a fait la meilleure impression. Il ne faut pas, a-t-il précisé, en concevoir un optimisme exagéré, mais enfin, de ce côté-là, il n'y a pas de souci à se faire.
Le point noir, ce sont les Français. Eux, ils ne vont pas bien. Et, même, ils sont malades. Ils ont « la maladie du mécontentement ».
En d'autres termes, le mécontentement des Français, quand il s'exprime, serait sans objet.
L'ennui est que cela n'existe pas, le mécontentement sans objet. Même si cet objet est imaginaire, le mécontentement, lui, ne l'est jamais. On pourrait même dire que plus l'objet du mécontentement est imaginaire, confus, mal défini, plus celui-ci est difficile à réduire. Là où il manque une route, c'est relativement facile de la construire. Là où il manque un espoir, un objectif, un élan, allez donc l'inventer !
Aussi a-t-on un peu l'impression que M. Pompidou s'adresse aux Français « malades » comme on admoneste un homme neurasthénique en lui disant: « Vous qui avez tout pour être heureux, de quoi vous plaignez-vous? Secouez-vous, mon ami ! »
Sur les individus, l'effet tonique est généralement nul, quand il ne provoque pas une angoisse redoublée. Sur les peuples, les observations manquent, aucun n'ayant été, jusqu'à présent, déclaré « malade » par l'un de ses dirigeants.
Si les observations du chef de l'Etat ne portaient pas d'heureux fruits, on en serait à la situation décrite par Brecht : « Le peuple a, par sa faute, perdu la confiance du gouvernement, et ce n'est que par ses efforts qu'il peut la regagner. Ne serait-il pas plus simple, alors, pour le gouvernement, de dissoudre le peuple et d'en élire un autre? »

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express