À propos des la force de frappe nucléaire française loin d'être une réalisation spécialement française...
C'était il y a deux ans, trois peut-être. M. Michel Debré, alors ministre de la Défense nationale, avait fait à quelques personnes, dont j'étais, l'honneur de les emmener visiter le P.C. de la force de frappe française. C'est-à-dire Taverny.
Un hélicoptère nous posa devant la gueule de la caverne. Comment décrire le sanctuaire auquel on accède, à 80 mètres sous terre, à travers d'infinis tunnels... L'ensemble évoque quelque chose comme l'un de ces décors fabuleux où James Bond, surgissant d'une fusée de poche, abat de la main droite quatorze personnes, tandis que sa main gauche brise le gigantesque panneau lumineux derrière lequel se trouve la manette 007 qu'il faut lever pour détourner le rayon laser qui va couper l'Himalaya en deux.
Après quoi une jolie blonde sortant d'un boudoir lui offre du Champagne.
Y avait-il du Champagne parmi les vivres stockés dans les profondeurs de Taverny, qui nous offrirent un déjeuner très convenable ? Je ne sais plus. Mais il y a des boudoirs. Le chef de l'Etat y habiterait, le cas échéant. Les grands assistent aux catastrophes d'une terrasse, disait Giraudoux. La prochaine fois, ce sera plutôt d'un abri atomique, Taverny, la rue Saint-Dominique à Paris, ou Mont-verdun, dans la Loire, qui ont été construits depuis.
Quelques officiers aimables nous donnèrent de patientes explications sur la haute efficacité, la haute technicité, la haute sécurité de Taverny. Nous sûmes que le système Tigre et le système Panthère utilisaient des supports de transmissions différenciés vers les bases de missiles S.s.b.s. et les bases de Mirage IV. Nous apprîmes que, non content de voir le chef de l'Etat sur un écran, et d'entendre sa voix au téléphone, le général commandant les forces aériennes stratégiques était relié avec lui par fac-similé, une signature devant authentifier un ordre d'attaque. Nous pûmes voir, sur le tableau de télé-affichage du lieu-dit « la cuve », un ballet de lumière étourdissant dont il serait un peu long de rapporter ici la signification.
En bref, nous fûmes tous aisément persuadés qu'il s'agissait là, vraiment, d'une belle réalisation française, quoi que l'on pense de l'opportunité de posséder des engins nucléaires.
Des questions furent sollicitées. Quelqu'un demanda : « Les ordinateurs, ce sont bien des I.b.m. ? » Oui, c'étaient bien des I.b.m. « Et le réseau d'alerte, c'est évidemment... » Evidemment. « Et les avions ravitailleurs de nos bombardiers, ce sont bien des C 135F? » C'est-à-dire des quadriréacteurs américains. Américains comme les I.b.m. et le réseau d'alerte.
Le ministre, qui est honnête homme, eut alors ce mot : « Vous mettez le doigt, dit-il, sur le point crucial... »
Depuis, dans le domaine des belles réalisations nationales, j'oserai suggérer plutôt la visite de la Fondation Maeght. On peut y voir en ce moment le plus beau Chardin du monde.
Mardi, octobre 29, 2013
L’Express
politique intérieure