Sans titre

Avec une pointe de condescendance, critique l'allocution télévisée du Premier ministre, Pierre Mesmer. A ses yeux, la majorité est en situation de faiblesse.
Ce n'est pas seulement qu'ils font des bêtises. C'est qu'ils ne paraissent plus pouvoir faire autre chose.
Ainsi l'affable M. Messmer a-t-il sombré, mercredi, dans l'océan du ridicule, bien qu'il ait le pied marin, et que sa propre mère ait été mobilisée pour nous dire quel bon petit c'était, notre Premier ministre.
D'ailleurs, il l'a confié lui-même au téléspectateur : il ne fait pas de politique. En vérité, on commençait à s'en douter.
En somme, à l'heure où M. Georges Marchais se donnait les gants de faire un discours de Premier ministre, le Premier ministre faisait un discours pour dire qu'il n'existait pas. Malheureuse coïncidence. Affligeante exhibition dont les auteurs doivent croire, les pauvres chats, qu'ils travaillent « à l'américaine ».
Peut-être dans d'autres circonstances auraient-ils été mieux inspirés. Simplement, dans l'état présent de la majorité, ses miroirs se cassent, ses ministres perdent leurs baleines de col, les pneus de leurs voitures éclatent, leurs montres s'arrêtent, et ils doivent avoir des boutons de fièvre.
Que l'on appelle cela comme on voudra, la grâce, la baraka, l'aura, l'actuelle majorité l'a perdue. Vis-à-vis de ses représentants, le pays est en état de désamour. Un état irréversible, chacun le sait qui l'a vécu, où celui qui désaime devient nerveux, fanfaron, agacé pour une vétille... Pire : disponible.
Jusqu'où ? Quelle part de l'électorat de l'actuelle majorité le désamour a-t-il déjà gagnée ? Et au bénéfice de qui ?
Ce ne sont pas les sondages qui nous renseigneront. Non que la méthode soit suspecte. Mais elle pourrait bien donner les résultats d'une sorte de pré-premier tour, dont les Français se servent pour faire parler la poudre aux oreilles de M. Pompidou et de sa majorité, sans prendre pour autant le risque de lui tirer le tapis sous le pied.
Le jour venu, ils voteront « pour de bon », et il arrive que, tout en désaimant, on décide de continuer à vivre ensemble. Mais rien n'est moins sûr.
Alors, dans l'incertitude, les capitaux s'en vont doucement faire un tour dans un de ces pays tranquilles où les Premiers ministres font de la politique. Vous allez voir qu'ils vont finir par s'investir en Union soviétique.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express