sans titre

Le succès de l'expérience socialiste chilienne avec Salvador Allende n'est pas suivie en France, où le capitalisme persiste à dominer le pays.
C'est loin. Et c'est autre chose. Le succès de l'expérience de M. Allende au Chili n'aurait pas eu valeur de modèle pour la France.
Son échec ne peut pas, cependant, laisser indifférent — et encore moins réjoui, comme il apparaît déjà ici et là. Rien ne pourrait donc être changé à un certain ordre du monde capitaliste ? Certainement si. Mais la voie chilienne est une impasse, apparemment, dans un pays où, entre le grand capital et le prolétariat, existe une forte classe moyenne. Plus une ultra-gauche.
Là où le pouvoir économique se trouve entre les mains de vingt potentats, et où le gouvernement s'appuie sur une écrasante majorité d'illettrés misérables, jubilant à l'idée de pendre « les gros » sur la place publique, on peut s'en saisir aisément. Mais, dans un pays de classes moyennes, le capital et le pouvoir qui lui est attaché ne sont pas concentrés entre vingt paires de mains.
Quand, pour soutenir son action, un gouvernement doit compter sur une population où se trouvent bon nombre de gens qui n'aiment pas tellement les expropriations, parce qu'on sait bien par qui elles commencent, mais non où elles finissent, la prise de contrôle des structures économiques est longue, difficile et aléatoire, sauf à risquer une guerre civile. Celle-là même qu'attend l'ultra-gauche au Chili, et qui noierait dans le sang les belles espérances de M. Allende.
Alors, en fait de justice sociale et d'augmentation du pouvoir d'achat, c'est la pénurie qui s'est installée, parce que le Chili dépend étroitement de son commerce extérieur. Et tout pays en dépend plus ou moins, sauf à avoir la taille soviétique, américaine, chinoise. Ou celle qu'aurait l'Europe unie si elle décidait de mettre ses ressources en commun et de les redistribuer avec plus d'équité.
A quelqu'un qui lui demandait s'il allait socialiser l'économie de son pays, le Premier ministre suédois, M. Olof Palme, a fait récemment cette réponse singulière : « L'ensemble du peuple suédois, a-t-il dit, n'est pas encore assez cultivé pour rendre ce changement opportun. » Peut-être faut-il entendre que seul un peuple parfaitement informé, dans son entier, dirigeants et dirigés, des mécanismes économiques, pourrait faire du socialisme sans les briser.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express