Sans titre

Sur la victoire de Poulidor
L'événement de la semaine écoulée est tout à fait considérable, chacun l'a compris. Dès 5 heures, jeudi, on en vibrait partout où la nouvelle était déjà connue.
Le président de la République venait de nous annoncer qu'étant aux Affaires depuis dix ans, s'y trouvant bien, et jugeant en toute objectivité que les Français s'en trouvent bien aussi, il se disposait à y rester encore onze ans.
A L'Express, la porte de mon bureau s'ouvrit brusquement devant un de nos éminents collaborateurs. Il s'écria, l'œil brillant : « Il a gagné, il a gagné ! »
Sa jubilation me parut, sur l'instant, excessive.
« Vous n'y êtes pas, dit-il. C'est Poulidor, qui a gagné !
- Non !
- Si.
- Il a battu Merckx ? » Il avait battu Merckx.
« Et Ocana ? »
Il avait battu Ocana. Sur Paris-Nice. Il était premier. Poulidor premier, ce Poulidor dont le général de Gaulle disait : «Il a un nom de Premier ministre, celui-là...» Premier ministre, peut-être, mais second cycliste sûrement. Et voilà qu'à 36 ans, âge vénérable pour un coureur, il décrochait enfin une vraie victoire, devant de vrais champions, voilà que tous les gentils, les modestes, les pas-de-chance se sentaient, avec lui, un peu vengés.
Le pays, ce soir-là, allait en parler autant, voire davantage, que de la conférence de presse de l'Elysée. C'était l'affaire sérieuse du jour. Le reste ? Il paraît qu'il y aura un référendum. Pourquoi ? Diverses raisons sont avancées, parmi lesquelles il serait léger de négliger l'apostrophe que le Général lance, tous les soirs, à Bobino, par la voix de Thierry Le Luron : « Faites-nous donc un référendum, Pompidou, qu'on se marre un peu... »

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express