Sans titre

Accepter la victoire de VGE aux présidentielles, reconstruire la gauche de demain, être réaliste « En face de l'implacable réalisme des puissants, qui ont la puissance parce qu'ils sont réalistes, ce n'est pas le pouvoir du rêve qui fait défaut à gauche.
« Les hasards ont une grande part dans l'histoire du monde. L'accélération ou le retard des événements dépendent en grande partie de semblables hasards, parmi lesquels figure aussi le caractère des personnes qui sont à la tête du mouvement. »
Cette remarque serait banale et passerait sans doute pour réactionnaire si elle n'était de Marx.
Ainsi, le cours de l'Histoire, qui ne peut être, dans l'optique marxiste, que celui du progrès de l'humanité, a été à maintes reprises dévié par « les hasards », « les caractères », ou la conjugaison des deux.
Du point de vue de l'éternel, peu importent le tracé de ce parcours et ses circonvolutions. A l'échelle humaine, on conviendra qu'il n'est pas indifférent de coïncider dans le temps avec tel ou tel détour de l'histoire du monde et singulièrement de son pays. On ne vit jamais que sa propre vie.
On écrira un jour — je l'écrirai pour ce que j'en sais — comment quelques caractères ont pesé sur une élection présidentielle possiblement décisive dans l'évolution de la France, voire de l'Europe. Décisive en tout cas pour nous, qui en sommes les contemporains.
Le moment n'est plus de se demander si c'est pour le bien ou pour le mal que M. Giscard d'Estaing préside à nos destinées. C'est. Nous ne saurons jamais ce qu'eût produit l'accession de M. Mitterrand au pouvoir en mai 1974, et en quoi elle eût transformé, ici et maintenant, les conditions objectives de la vie des Français qui s'ennuient dans leur travail, ou qui souffrent dans leur personne parce qu'elle est humiliée ou niée.
Pour que « ça » change, combien d'hommes et de femmes devraient d'abord décider : « Je change, les lois viendront après » ? Mais cela est beaucoup plus difficile que de changer de gouvernement.
Ceux pour qui la gauche est un refuge confortable pour consciences malheureuses, une façon d'avoir ses oeuvres, retrouveront sans peine le chemin de leurs pantoufles intellectuelles.
Mais ceux pour qui elle doit être véritablement porteuse d'un projet politique original peuvent mettre maintenant le temps à profit pour élaborer une théorie qui prenne enfin en compte le monde moderne.
M. Mitterrand a réconstitué un parti socialiste. Il manque de savoir ce que signifiera être socialiste demain.
En face de l'implacable réalisme des puissants, qui ont la puissance parce qu'ils sont réalistes, ce n'est pas le pouvoir du rêve qui fait défaut à gauche. C'est un rêve neuf.

Mardi, octobre 29, 2013
L’Express