Quand la Terre coulera

Taches du Soleil, effet de serre? L'unanimité des scientifiques est faite pour prédire le désastre si les mers se réchauffent encore de 2 degrés et demi. Mais tout le monde ou presque s'en moque!
Au prix du marché, l'otage se vend bien. Mais il faut toujours en avoir un stock, pour se protéger d'une intervention de l'armée. Aussi, M. Abu Sayyaf, chef, pour autant qu'il y en ait un, de la rébellion philippine, préparerait-il un nouveau coup avant de procéder à des «libérations fractionnées». Un jour, l'écheveau opaque des tractations qui auront remis Kadhafi en selle sera débrouillé. Ce ne sera pas une page glorieuse de la diplomatie. En attendant, il n'y a pas lieu de pavoiser, même si l'on se réjouit pour les premiers rescapés. Petit événement dans la vie de la télévision publique : elle a désormais un patron. Cela s'est joué en deux coups. 1998: le CSA, présidé par Hervé Bourges, vote un mandat de deux ans à Marc Tessier. En vertu de quoi ce grand commis, propulsé directeur de France Télévision, passe deux ans à faire quoi? De la télévision? Il n'est pas fou. Il fait de la diplomatie. Pas de vagues, pas de conflits avec le personnel, pas de décisions qui irritent les rédactions toujours promptes à se piquer, pas d'innovations audacieuses. Comme il est toujours plus facile en France ? et sans doute ailleurs ? de ne rien changer que de faire permuter un fauteuil et une chaise, le résultat escompté de cette gestion précautionneuse est là. Marc Tessier est élu cette fois pour cinq ans patron de tout le service public, administration où le temps n'a jamais été donné à personne de concevoir un projet un peu ambitieux et de le mener à terme. Marc Tessier n'a plus qu'à avoir du talent, de l'imagination et ce zeste de folie sans lequel rien ne se crée. Combien de temps va-t-on lui donner pour nettoyer ses écrans et les meubler de neuf? Disons une grosse année, il faut bien cela pour voir des résultats. Jusque-là, on lui fera crédit. Mais quelle idée de commencer par évacuer les plus beaux yeux des petites lucarnes? Ceux de la jeune femme qui parlait au Journal de 13 heures sur France 2. Bon, n'ouvrons pas déjà le registre des réclamations. On est injuste avec Stéphane Bern («Sagas»). Qui, sinon ce jeune homme, si bien introduit dans les châteaux et auprès des altesses royales, nous aurait permis d'apprendre qu'il ne faut jamais manger le caviar avec une cuiller en argent, qui? Le goût en est, paraît-il, altéré. Heureusement qu'on a la Une, école du peuple, pour enseigner ces petites choses? si pratiques. Dans le même numéro, aristocratie garantie d'origine mêlée à celle de l'argent, des Vogüé et des La Rochefoucauld recevaient sur leurs terres. Il faut dire que le château de Vaux-le-Vicomte, celui de Fouquet le fastueux, est, avec son parc dessiné par Le Nôtre, un pur joyau. Quel film on pourrait y tourner... Le jeune Louis XIV, la duchesse de Chevreuse toujours intrigante, Colbert le haineux, Nicolas Fouquet l'imprudent dont le luxe inouï éclipse celui du roi et qui paie cette offense en prison, où il mourra, empoisonné, dit-on. Dommage que M. Bern ait escamoté cet aspect de l'histoire de Vaux pour s'étendre sur les petits plats de la comtesse. Lars von Trier a réalisé un beau film, «Breaking the Waves». Puis un moins beau, comédie musicale couronnée en mai à Cannes. Entre-temps, il a barboté dans une sauce mystico-spiritualiste qui, pour être dans l'air du temps, n'en est pas moins affligeante. Témoin cet «Hôpital», série de onze épisodes, pour laquelle on avait quelque curiosité, où l'auteur convoque les forces occultes contre l'odieux rationalisme. Révolté contre toute forme d'autorité intellectuelle, Trier a créé dans son pays le Danemark le groupe des «Idiots», qui prétend offrir une nouvelle vision libératrice du monde, pourquoi pas? Alléluia. Mais on ne jurerait pas que, dans l'état de confusion mentale où sont parfois les esprits aujourd'hui, Lars von Trier soit inoffensif. Heureusement, sa série est excessivement ennuyeuse (Arte). Entre les taches du Soleil, responsables pour moitié d'une météo gravement détraquée comme entre 1645 et 1715, entre ces taches, donc, et le fameux effet de serre, responsable pour l'autre moitié, il y a de quoi se faire du souci. Les Canadiens ont réalisé sur le sujet un documentaire alarmant. Devant ces chiffres, ces explications, cette unanimité pour prédire le désastre si les mers se réchauffent encore de 2 degrés et demi, on était saisi par la pire des angoisses : le sentiment d'impuissance. Incurablement optimistes, les Américains traînent les pieds devant toute action collective et comptent sur leur propre génie technique pour conjurer le moment venu le grand chambardement annoncé sur la Terre. Mais il est minuit, docteur Schweitzer! F. G.

Jeudi, août 31, 2000
Le Nouvel Observateur