Il ne fallait pas prendre à la légère Alain Delon, cette boule d'orgueil qui a porté sa beauté comme un don de Dieu mais aussi comme un harnais. Et par moments une corde a vibré.
Ces images venues d'Israël sont affreuses, si blasé qu'hélas on devienne. La plus émouvante fut sans doute celle de cet homme, un journaliste, penché sur la tombe à peine fermée de son propre fils et disant, en s'adressant à lui :«Quelle leçon tirer de tout cela? Il n'y en a pas. Mais je sais que, si tu avais été à notre place et l'un d'entre nous dans la tombe, tu n'aurais pas éprouvé de haine.» Belle parole de paix prononcée du fond de la douleur envers et contre tout...
On dira ce que l'on voudra de Jacques Chirac, il mouille sa chemise. Ce voyage en Asie, ce n'était manifestement pas de la tarte. Et pendant ce temps, à Paris, Charles Pasqua lui passait du poil à gratter. On ne peut pas être plus désagréable qu'il ne l'a été dans «Invité spécial» en feignant de le soutenir. Drôle de jeu et drôle de majorité où ils en sont tous à se scier l'un l'autre. Enfin, c'est leur affaire.
Victoire! On ne va plus veillir, on va dormir comme des bébés, on va guérir les grandes maladies, affaire de mélatonine. Qu'est-ce que la mélatonine? Une pilule. Où la trouve-t-on? Aux Etats-Unis, dans les grandes surfaces, sans prescription. A voir le reportage d'«Envoyé spécial», on n'était que méfiance, mais, effet réel ou effet placebo, les consommateurs de mélatonine avaient l'air si réjouis qu'on commençait à les envier. En vérité, des chercheurs travaillent depuis longtemps sur les propriétés de la mélatonine. Mais avec une parfaite irresponsabilité quant aux effets secondaires qu'elle peut avoir, les Américains l'ont lancée sur le marché et en avalent à tout va. Heureux peuple. Ils croiront toujours au fond d'eux-mêmes qu'un jour la science triomphera de la mort. En attendant, ils sont peut-être en train de s'empoisonner lentement...
Vient de surgir, le dimanche matin sur La Cinquième, une émission littéraire, «Droit d'auteurs». L'heure est saugrenue mais pas plus, après tout, que les soirées tardives. Donc Frédéric Ferney, qui est charmant, officie. Son principe : trois livres, leur auteur, et trois personnes venues d'horizons divers pour les interroger. C'est un peu artificiel. Ces interrogateurs sont plus ou moins à l'aise dans un emploi qui n'est pas le leur. Le décor est froid. Mais à la fin on parle de livres, et c'est l'essentiel. Là, il fut question de trois bons ouvrages : «la Légende du franc» de Georges Valance, «Les Années de tourmente» de Marc Lazare, «les Barons Empain» d'Yvon Toussaint. Les spectateurs auront appris beaucoup de choses avant d'aller déjeuner.
Bernard Pivot, lui, pour le 200e numéro de «Bouillon de culture», a opéré Alain Delon. Ou je me trompe, ou il a sous-estimé son invité. Sous-estimé ce qu'il aurait pu dire s'il avait été fouaillé, entraîné sur des chemins non battus. Il l'a pris, si l'on peut dire, à la légère. Delon n'est pas léger, c'est un personnage dramatique, toujours sur la défensive, comme s'il était prêt à dégainer, une boule d'orgueil, un homme qui a porté sa beauté, superbement préservée, comme un don de Dieu mais également comme un harnais. C'est aussi quelqu'un qui a connu de vrais motifs de souffrance. Mais Pivot a choisi de le faire réagir de A à Z, à partir des lettres de l'alphabet. On resta donc dans le superficiel sans jamais creuser. Il y eut de bons moments, cependant, ne fût-ce que les extraits de films composant le somptueux florilège de l'acteur, et puis quelques échanges un peu sérieux. Sur le suicide, par exemple... «Si j'étais impotent, je pense que je le ferais. Par respect du public, de l'image que j'ai de moi-même.» Et puis il y eut cette réplique, la dernière. A la question :«Que voudriez-vous que Dieu vous dise à vous, Alain Delon?» , il répondit : «Viens, je te mène à ton père et à ta mère réunis pour la première fois dans l'éternité.» Là, fugitivement, le regard bleu a cillé. Et l'on se dit que cette corde-là aurait dû être touchée plus tôt.
«Les Allumettes suédoises»: rien à objecter. C'est gentil, bien léché. Le petit garçon amoureux de sa mère était à croquer, l'ensemble aimablement conventionnel, proprement tourné. On eût aimé seulement qu'un Robert Doisneau passe par là pour donner une vraie couleur populaire à ce Paris des années 20. Mais n'en demandons pas trop. Il est déjà beau que la fiction de bonne qualité s'installe à la télévision.