Présentez… Armes !

Réflexions sur l'important stock d'armes possédé par les citoyens français et la propension de certains à se faire justice eux-mêmes car ils ne croient pas à la justrice
Alors, enfants de la Patrie, vous ne voulez pas rendre votre poudre et vos balles ? Quatre cents dépôts d'armes ont été découverts depuis quatre ans. On trouve des mitraillettes dans le placard de la direction des pompes funèbres de Toulouse. Comme si ce service n'avait pas assez de clients et qu'il voulût encore en fabriquer.
On découvre trois mille cartouches et tout un arsenal dans les caves de l'école communale de Collombes, histoire sans doute d'apprendre aux enfants qu'il ne faut pas jouer avec les armes à feu.
Le sacristain de Moivrons s'aperçoit un beau matin qu'on lui a volé sa cloche et la retrouve fondue parmi grenades, fusils et autres babioles. Avec quoi et pour qui le sacristain sonnerat-il le glas ?
La semaine dernière, c'est Raymond Hennebo, plombier à Provins, qui s'obstine à faire bouillir sa lessiveuse avec des charges de plastic et qui se ruine en miror pour astiquer quotidiennement le canon antichar de 37 mm. et les mitrailleuses lourdes qu'il collectionne comme d'autres les opalines.
L'ennui est que ces armes finiront un jour par servir à quelqu'un, sinon à quelques-uns.
Le plombier collectionneur a failli faire sauter tout le quartier.
Les conspirateurs ne désespèrent pas de faire sauter tous leurs ennemis.
Et il y a toujours quelque amateur, pressé de faire sauter sa cervelle ou celle d'un ami.
Assieds toi au bord du fleuve, et tu verras passer le cadavre de ton ennemi, disent les Chinois qui ont, comme tout le monde, des fleuves, des ennemis, et en outre une sagesse infinie. Mieux vaut s'asseoir au bord du fleuve qu'en cour d'assises. Il arrive, bien sûr, à intervalles plus ou moins réguliers, qu'on vous décore pour avoir tué. Mais il arrive aussi qu'on vous condamne à huit ans de réclusion, comme cette dame Paule Erny dont le récent procès devrait suffire à décourager aussi bien les meurtriers que les voleurs de bicyclettes.
Ce n'est pas qu'elle soit sympathique, bien au contraire. Et la peine est méritée. Elle a tué, de vilaine façon, l'homme qu'elle aimait sans que l'on arrive d'ailleurs à déterminer si c'est parce qu'il l'aimait trop ou pas assez.
Elle a tué. Mais que lui at-on reproché durant son procès? Ses bijoux, ceux qui les lui donnèrent, ses robes qu'elle vendit chez Doucet, une enfance autoritaire, l'activité économique de son mari et le non-lieu dont il bénéficia.
C'est ce qu'on appelle une enquête.
Le mort ? A peine en a t-on parlé. Le crime ? Personne n'a tenté d'en éclaircir les motifs. C'est le mari, M. Schlumpf, qui a intéressé l'avocat général.
Peu importe qu'il ait été blanchi par la justice. M. l'avocat général ne croit plus à la justice.
Avis aux amateurs... Avant de vous exposer à passer en jugement, assurez vous que votre concierge est satisfait de vos pourboires, que vous n'avez jamais marché à cinq ans sur la queue d'un chat, et qu'aucun arrière-cousin de votre tante n'est passé en correctionnelle.
S'il a été condamné, c'est mauvais... Mais s'il a été acquitté, c'est pire !
Je ne sais pas ce que M. Schlumpf a fait. Mais si son non-lieu est suspect d'indulgence, on est obligé de penser que d'autres jugements sont suspects de sévérité.
Au fait, c'est peut-être parce que, comme l'avocat général, ils ne croient plus à la justice, que tant de Français collectionnent aujourd'hui les armes à feu. Pour être capables un jour de la rendre eux-mêmes.
En attendant, un commerçant de Nantes, Jean Pipart, pacifiste convaincu, a brisé la vitrine d'un magasin de jouets parce qu'on y exposait soldats de plomb et canons miniature. Ce qui prouverait, s'il en était besoin, que les hommes perdent trop facilement la tête quand ils trouvent trop facilement des armes.

Mardi, octobre 29, 2013
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