Pourquoi nous ne signons pas : Ce sont les clients qu'il faut pénaliser PAR FRANÇOISE GIROUD

Je crois que le problème universel de la prostitution est mal abordé, mêlant les enfants asiatiques et la fille de luxe pour émirs dans une même compassion. La prostitution est le fait des hommes. L'usage qu'il font des femmes prostituées devrait être pénalisé. Cela devrait aller de la contravention lourde à la correctionnelle pour les récidivistes, le cas échéant à la peine de prison. Alors, on pourrait parler pour la première fois de lutte contre la prostitution. En attendant, les femmes qui veulent se prostituer, il faut les laisser tranquilles. On a le droit d'être prostituée comme d'être aviatrice. Ce n'est pas une vocation mais c'est une tentation à laquelle succombent des femmes que l'on ne soupçonne pas. Qui ont besoin d'argent. Epargnons-leur nos leçons de morale. Sortir de la prostitution ordinaire est une épreuve très dure. Une ancienne prostituée ne trouve jamais un emploi aussi lucratif. Et puis : «C'est encore moins marrant, m'a dit l'une, d'être caissière dans un supermarché.» A partir de mon expérience de ce dossier, je dirai que sur dix femmes que vous arrachez à la prostitution et auxquelles vous trouverez un petit emploi, huit y retourneront dans les six mois. On dira que si on peut en sauver deux, il faut le faire. Certes. Mais je ne vois pas, dans ce manifeste, qu'on y propose, concrètement, les moyens. F. G.

Jeudi, mai 18, 2000
Le Nouvel Observateur