Une vraie carte d'échantillons pour cette soirée pénis sur Arte... On avait vaguement mal au coeur
Ce soir-là, sur Arte, on ne parlait que de sexe mais pas comme à l'habitude, et même de la façon la moins banale qui soit. Première partie de la soirée : la circoncision. Original. Pour la majorité du public, la circoncision, c'est une tradition juive dont parle la Bible. On a oublié que, dans le monde chrétien, la circoncision du Christ, huit jours après sa naissance, a été fêtée pendant plusieurs siècles, qu'elle est aussi présente dans la religion musulmane et dans la pratique américaine, toutes religions confondues. Le document réalisé par Nurith Aviv pour Arte s'est attaché au judaïsme pour montrer la puissance des racines de la circoncision dans la conscience juive, y compris chez les moins religieux, et ce qui en découle au moment où naît un garçon dont l'un des parents n'est pas juif. Celui-là ou celle-là ne se résigne pas à infliger à l'enfant une telle blessure. Des couples en parlent, chacun dit les questions qu'il se pose, pourquoi « ne pas circoncire notre fils, c'est trahir », ou pourquoi « on ne peut pas accepter que le corps d'un enfant soit ainsi marqué », désigné quelque jour pour l'exclusion puisqu'un juif sera toujours en danger. Echanges qui vont au fond, à l'essentiel de chacun, son identité, sa culture, sa mémoire, sa filiation. C'était très beau. Deuxième partie de la soirée : un autre genre mais toujours enroulé autour du pénis dont on a pu admirer un assortiment rarement réuni sur un écran. Une vraie carte d'échantillons. D'abord, on est étonné. Vite, on se lasse. Mais ce film avait également pour objet de révéler, à travers le bavardage d'une quinzaine d'hommes, entièrement nus, leurs relations avec ce qu'ils ne cessaient d'appeler « ma queue » - ce qui est laid -, ce qu'ils en font, comment, avec qui, ce qui ne va pas... Ces hommes de tous âges, tous américains, n'étaient manifestement pas heureux d'être nus et croisaient les jambes. En sortant de là, on avait vaguement mal au coeur. De toutes les femmes qui ont surgi sur la planète dans le maelström politique, quelques-unes sont l'image même du courage. Je veux dire que, constamment menacées de mort, elles persistent, irréductibles. La plus connue est à Rangoon, en Birmanie, c'est Aung San Suu Kyi. Elle a reçu le prix Nobel, elle vient une fois de plus d'être arrêtée. Son mari est mort dans une clinique de Londres sans qu'elle soit autorisée à se rendre auprès de lui. Une autre est Ingrid Betancourt, à Paris en ce moment pour soutenir le lancement de son livre, « la Rage au coeur ». Colombienne, sénateur après une campagne électorale effarante, très populaire, elle ne compte parmi ses adversaires « que » les seigneurs de la drogue et l'ensemble du personnel politique corrompu par ce cartel. Les électeurs l'aiment parce qu'elle dénonce ce scandale de son pays, avec un grand talent d'oratrice. Les corrompus ont déjà failli avoir sa peau - deux fois -, ses enfants sont quotidiennement menacés, elle ne circule qu'en voiture blindée, une vie de rêve, quoi ! Menue, fragile d'apparence, l'air de ce qu'elle est, une jeune femme « de bonne famille » qui, soudain, n'a plus supporté la pourriture de son pays, Ingrid prépare sa candidature à la présidence de la République en 2002. Si elle ne se fait pas descendre avant. La vie politique française est tout de même moins dangereuse, la corruption moins insolente. Au soir du premier tour, cette kyrielle de ministres déconfits, cela faisait désordre, bien sûr, mais c'est tout. Présomption, présomption parisienne d'aller chatouiller sous le nez des maires bien en place... Mis à part l'exploit de François Hollande en Corrèze, la soirée électorale (regardée sur LCI, les meilleurs) a évacué quelques illusions propagées par les sondages, qui génèrent, qu'on le veuille ou non, une sorte de vertige. Si la France était majoritairement « à gauche », cela se saurait depuis longtemps. A 1,5% ou 2 % près, elle ne l'a jamais été. Et voilà qu'elle a perdu le Front national qui, dans les consultations électorales, fixait un certain pourcentage de voix. On ne va pas pleurer parce qu'il n'y a quasiment plus de Front national et que ses électeurs ont, du coup, rejoint la droite classique au moment de voter. Mais elles étaient commodes, ces fameuses « triangulaires », au second tour... J'ai lâché Jean Tiberi au moment où il faisait savoir qu'il était en situation d'imposer à Philippe Séguin la fusion de leurs listes respectives. Il a des nerfs, Tiberi, il faut lui laisser ça, des nerfs de fer. Lequel des deux hommes aura la clé du coffre à l'Hôtel de Ville de Paris s'ils y entrent en vainqueurs ensemble, qui gérera les prébendes, qui les emplois fictifs, qui les fausses cartes électorales, les beaux appartements, les marchés publics, enfin tout le système que l'on sait ? Aux Parisiens de savoir s'ils veulent, dimanche, lui voter une prolongation. F. G.
Jeudi, mars 15, 2001
Le Nouvel Observateur