Déjeuner organisé par Pierre Benoit où on retrouve notamment plusieurs grands noms du théâtre, de la poésie...
M. Pierre Benoit a le goût, des bons repas, du théâtre et des jolies femmes. Son Excellence M. de Souza Dantas, ancien ambassadeur du Brésil à Paris, partage ces goûts excellents.
De sorte que le second offrait lundi en l'honneur du premier et de son « Casino de Barbazan » un délicieux déjeuner auquel l'Académie assista entre quelques académies non moins illustres.
La plus surprenante était, certes, celle de Mme Cécile Sorel qui avoue 84 ans avec une voix de cristal et d'or, une voix qui explique bien des choses aux infortunés dont je suis qui ne l'ont jamais connue qu'en son automne. Et elle n'a pas les yeux dans sa poche ! Il est vrai qu'ils ont chacun la leur.
Marie Bell, belle ; Arletty, titi ; Alice Cocéa, cossue, représentaient le théâtre, Maurice Rostand la poésie, et Florence, jolie fille de la jolie Mme Pierre Benoit, était la jeunesse.
Assise dans sa robe rouge tout au bout de la table où quarante-cinq personnes plus ou moins célèbres totalisaient ensemble plus de deux mille ans, elle avait dans tout l'éclat méprisant de ses dix-sept ans la grâce boudeuse des enfants qui s'ennuient le dimanche lorsqu'on les oblige à venir au salon.
C'était l'écolière déjeunant soudain avec le Petit Larousse. Lorsque Maurice Rostand se leva pour dire en vers à Pierre Benoit ce qu'il eût été trop simple de lui dire en prose, la jeune fille eut pour le poète bouclé le regard d'une qui se dit :
« Prévert, c'est drôlement mieux ! »
Et puis elle attendit, l'œil narquois, ce que son charmant petit beau-père allait répondre à ce lyrique épanchement.
Il se leva, fit le tour de la table et posa simplement un baiser sur la joue rose d'une petite dame toute vieillote sous sa capote : Mme Edmond Rostand. Celle dont Jules Renard écrivait en 1909 : « Cette jolie fleur ne se décidera jamais à se faner. »
Les spectateurs respirèrent : ils avaient cru un moment que Pierre Benoît allait embrasser Maurice Rostand.
Le plus sympathique et le plus fertile des académiciens réussit ainsi un déjeuner - miracle d'où l'inévitable poularde de Bresse et les accablants discours furent également absents.
Cette semaine commencée dans la bonne grâce d'une bonne compagnie se poursuivit mardi dans la frénésie hurlante de la cave du Vieux-Colombier où l'on avait prié « Madame et son Clochard ».
La richissime Doris Duke — Madame — et son ex-mari Rubirosa — son Clochard — illustraient entre autres couples connus le thème de cette soirée costumée.
Mercredi, un couple également connu à propos d'une histoire d'amour qui s'est mal terminée, Héloïse et Abélard, faisait applaudir ses crises de conscience sur la scène des Mathurins. L'auteur de la pièce, Roger Vailland, y traite les prêtres aussi mal qu'il traite bien la langue française. Les premiers n'y perdront pas une âme, la seconde a gagné un écrivain.
Jeudi : Maya, fille des ports ; vendredi : Les Amants d'Argos. Samedi... Samedi j'étais au théâtre mais je ne peux pas honnêtement vous dire ce que j'ai vu. Parce que je n'ai rien vu. Je dormais.
Mardi, octobre 29, 2013
Carrefour
Mondain