Si Tapie réussit la résurrection de l'OM, il sera maire de Marseille. Et après?
Des gamins? Non, cher François Reynaert, les encagés du Loft ne sont pas des gamins. Ni des ados, comme l'écrit le «Figaro Magazine». Le benjamin a 20 ans et les autres facilement cinq ans de plus. Drôles de gamins. Ce sont des adultes. Il est vrai que cela peut échapper. Ils peinent à s'exprimer, ils disposent d'une expression, une seule, pour désigner ce qui leur plaît, humain ou objet, c'est «super-génial». Les femmes, de vraies pestes, ne parlent que pour colporter des médisances. Personne ne prononce jamais un mot sur son métier, sur ce qu'il attend de la vie, de l'épreuve qu'il traverse, on sait seulement qu'ils voudraient être «connus» ? il faut dire que c'est réussi! Une affectivité effusive, sans doute exacerbée par le confinement, les pousse à se jeter à tout propos dans les bras les uns des autres en se léchant? On sait que, dans l'espèce humaine, la prolongation de l'espérance de vie s'accompagne immanquablement d'une prolongation de l'immaturité. De là l'éclosion récente, dans l'histoire, du «jeune». Bonaparte était général de brigade à 26 ans. Aujourd'hui, on est un gamin qui appelle l'indulgence. Ayons des tonnes d'indulgence pour cette brochette du Loft. Mais quelles drôles de générations produit ce mélange de précocité sexuelle, de dextérité technique et d'infantilisme mental prolongé! «Loft Story» en donne une idée. A cet égard, c'est une émission d'information. Edwy Plenel a reçu sur LCI deux représentants de l'extrême-gauche, trotskistes, qui viennent de publier chacun un livre à l'appui de leurs thèses : Daniel Bensaïd, philosophe, est immuable depuis le fond des temps dans ses convictions, le communisme, le vrai, le pur, pas sa perversion, là est le salut. Christophe Aguiton, le beau syndicaliste qui, à la tête de SUD, jubile de mettre le bordel partout, à la SNCF entre autres, est ardent, convaincu qu'il faut changer le monde et que c'est en bonne voie. Il anticipe peut-être un peu, dans sa ferveur, la fin du capitalisme mais il faut bien rêver. En écoutant ces messieurs, fort intéressants au demeurant, prophétiser une révolution, évoquer 1848, on pensait à la formule de l'historien Marc Ferro dans son dernier ouvrage, «l'histoire de la France est une longue guerre civile» («Histoire de France», Odile Jacob). Un 1848 à l'horizon? Ça a plutôt mal tourné! On n'avait pas remarqué combien Berlusconi ressemble à Tapie. Même bagou, même ambition politique effrénée, même goût de l'argent, même talent de communicateur, même séduction indéniable. Si Tapie réussit la résurrection de l'OM, il sera maire de Marseille et après? Après, il visera au plus haut, ceux qui le connaissent en sont convaincus. Ils étaient quelques-uns dans cette bonne émission de FR3, «Pièces à conviction». La plupart des grands riches d'aujourd'hui ont commencé comme Tapie, en achetant et revendant des entreprises en difficulté. Lui a foiré à la fin parce que «Tapie sait acheter, il sait vendre, mais, entre, il ne sait pas», dit l'un. L'ancien policier Antoine Gaudino, féroce, parle de «complicité» pour expliquer la bienveillance dont Tapie ferait l'objet aujourd'hui de la part des liquidateurs de sa faillite au mépris de ses créanciers. Tout repose maintenant sur Marseille. Pour réussir, il y faut de l'argent, des tripes et de l'intégrité, car il sera observé à la loupe. Quelque chose qui lui a toujours fait défaut? Bayrou a-t-il les moyens de ses ambitions? Il n'a pas le physique play-boy de Douste-Blazy, il n'a pas l'expérience de Chirac qui peut réciter son rôle à l'endroit, à l'envers et les pieds au mur. Il n'a pas l'entrain de Madelin. Il a autre chose : une détermination, une foi en son destin, en son rôle dans l'histoire, en l'Europe qu'il porte comme une torche. Il sait que «les convictions sont seules à pouvoir nourrir l'action». Si quelqu'un peut faire mal à Chirac lors de la prochaine présidentielle, c'est Bayrou. Il lui manque encore quelques centimètres pour le tuer. Il ne devrait pas débiner le Premier ministre inutilement comme il l'a fait devant «le Grand Jury». Cela le rétrécit. F. G.
Jeudi, mai 31, 2001
Le Nouvel Observateur