Monsieur le Président, vous n'êtes pas sérieux…

Ton humoristique et caustique pour évoquer la dureté du rôle de Président de la rep
Monsieur le Président, vous n'êtes pas sérieux...

par Françoise G1R0UD.

Si j'osais, Monsieur le Président de la République, je vous dirais que ça ne peut pas durer ! A soixantetrois ans, ce n'est pas sérieux de courir connue ça de présentation en inauguration et d'exposition en commémoration.
Cette semaine, soit, dit sans vous faire de reproches, vous êtes sorti tous les soirs. Où cela vous mènerat-il, je vous le demande ?
Vous avez commencé par commémorer la révolution de
1848 sous la neige et tête nue comme d'habitude, histoire de faire enrager votre chef du protocole, M. Dumaine, qui veut vous obliger à porter le gibus..
C'est comme ça qu'on attrape un bon rhume, surtout lorsqu'on est levé depuis 5 heures du matin avec un mauvais café et une tranche de pain grillée dans l'estomac.
Ne dites pas le contraire : tout le monde sait que vous réchauffez vous-même sur un réchaud électrique le café que votre valet Albert prépare pour vous le soir.
Vous entendez presque tous les jours, au Conseil des ministres que vous présidez, M. Mayer dont un seul discours suffit à mettre les Français de mauvaise humeur pour quinze jours.
Mardi, vous étiez salle, Pleyel pour assister à la présentation du film sur le maquis du Vercors.
Mercredi, vous mangiez des gâteaux au Salon des Arts ménagers et vous présidiez le tricentenaire du traité de Westphalie, avec un ouvreboîte dans une poche et un tue-mouches dans l'autre.
Jeudi, vous n'avez même pas eu le temps de regarder, comme tous les jeudis à 5 heures, les actualités au poste de télévision que l'on a installé dans le salon capharnaùm qui vous sert de bureau, parce que, à cette heurelà, vous receviez M. Eden et la délégation britannique.
Vendredi, vous assistiez à la représentation de '' La Peine capitale '', pièce en quatre actes, de C.-A. Puget.
Samedi, on vous trouvait à la Sorbonne pour fêter le 20e anniversaire de la ligne aérienne France-Amérique du Sud.
Et dimanche... Vous auriez pu vous reposer dimanche ! Non, je vous ai vu aux courses à Auteuil !
On me dit que, mardi, vous présidiez encore un gala, dans un cinéma de La Garenne.
Monsieur le Président, crovezvous sérieusement qu'on peut mener cette vie-là pendant sept ans ?
M. Marcel Gimond, le sculpteur devant lequel vous posez, chaque jour, de 9 à 10 h., va être obligé de vous mettre des rides irrespectueuses, mais authentiques.
Votre chef cuisinier, dont l'ancien patron, l'Aga Khan, est une vivante publicité, va perdre sa réputation si l'on s'aperçoit que vous maigrissez malgré vos cinq cartes d'alimentation. '
Sur la cheminée de votre bureau, la pendule qui représente la Fidélité conduite par l'Amour se désole de vous trouver encore, fumant votre vingt-cinquième gauloise de la journée, penché sur les recours en grâce que vous transmet le Conseil supérieur de la magistrature, lorsqu' elle égrène les douze coups de minuit.
Vous poussez la fantaisie jusqu'à lire les pièces que l'on vous fait signer, jusqu'à étudier les dossiers que l'on vous soumet, jusqu'à accorder de l'importance à la vie et à la mort d'un homme. Ne sentez-vous pas combien c'est démodé ?
Les truites des ruisseaux de Muret se plaignent de ne plus jamais se balancer au bout de votre ligne et souffrent de surpopulation.
Enfin, si l'on divisait les 60.000 francs que vous gagnez chaque mois par le nombre des heures de travail que vous avez fournies cette semaine, on s'apercevrait que vous touchez environ 110 francs de l'heure, c'està-dire un peu moins qu'un ouvrier spécialisé.
S'il y avait un syndicat des présidents de la République, vous y seriez mal vu, Monsieur le Président. On vous y reprocherait de gâcher le métier. Au prix où vos ministres mettent le beurre, ce ne sont pas les 2 millions que l'on vous accorde chaque année pour vos frais de représentation qui vous enrichiront, au contraire. Je ne serais pas étonnée que vous y soyez de votre poche, Monsieur le Président, lorsque vous invitez cinquante personnes à déjeuner Je sais bien que la IVe République est faible de Constitution. Mais ce n'est pas une raison pour que son président y perde sa santé.

Mardi, octobre 29, 2013
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