Tout avait pourtant bien commencé. Et voilà que la campagne de Jospin tournait à la catastrophe! Un document
Avec les Coréens du Sud, les Sénégalais et les Turcs, quelque chose vient de s'ébranler dans l'ordre ancien des choses. En écrivant cela, j'ignore si l'Allemagne et le Brésil se sont retrouvés en finale dans leur majesté d'anciens, mais l'entrée des nouvelles équipes a modifié la physionomie de la défaite française, même si elle est sans excuse. Ce n'est plus qu'un épisode d'une Coupe du Monde qui a durement remis en question les équipes d'Espagne, d'Italie, d'Angleterre, d'Argentine, soit la fleur du football mondial. Reste qu'une défaite n'est jamais gaie, comme on a pu l'observer dans le documentaire tourné au quartier général de Lionel Jospin pendant la campagne électorale. Une petite souris armée d'une caméra s'est glissée là: Jérôme Caza, autorisé mais à peine remarqué. Résultat très intéressant. Des socialistes en tout genre réunis généralement autour de Lionel Jospin, gai et détendu, font le bilan de la journée de campagne, des retombées dans la presse, avancent des suggestions, reçoivent des instructions, Jospin court d'un meeting à l'autre, ovationné, les sondages sont bons, aucun motif d'inquiétude. Tout à coup, au milieu de l'euphorie, quelque chose coince. Presque rien. Une phrase malheureuse prononcée par Jospin dans un avion sur l'âge de Chirac. Elle n'était pas destinée à être rapportée mais elle l'a été. Une autre a suivi, désastreuse : «Ce n'est pas moi qui ai dit cela, cela ne me ressemble pas.» Aïe aïe aïe, seraient-ce des enfants de chœur qui conçoivent la communication du candidat? Il doit intervenir dans un meeting : on lui prépare un texte de vingt pages qu'il va lire! Lire! Mitterrand, au secours! Soufflez-leur comment on fait. Jospin essaie de stimuler ses troupes : il faut attaquer Chirac. Mais quelque chose commence à se défaire, la belle assurance du début, la conscience claire de ce que doit être le sens de la campagne ? à propos, quel est-il? Jospin se plaint : «Vous me faites courir, je n'ai plus le temps de réfléchir.» Chaque conseiller émet un conseil, on n'écoute pas celui qui s'occupe des sondages et qui a vu monter Le Pen, personne n'a une vision juste de la situation sinon qu'elle se dégrade. On pérore. Fabius intervient sans succès. Kouchner et Lang sont présents, mais ils se taisent. Pouvait-on redresser la barre en cours de campagne? On ne le saura jamais. Mais il a manifestement manqué à Jospin un homme de l'art, comme en a Tony Blair, à supposer qu'il ait accepté de l'entendre. Jérôme Caza a eu assez de respect humain, ce qui n'est pas courant, pour ne pas forcer la porte du bureau dans lequel Jospin était enfermé avec les siens lorsqu'il a appris sa chute. C'est le seul plan qui manque à cette histoire d'une défaite annoncée. Il n'est bruit maintenant que des querelles au PS. Normal, c'est le prix de tout échec. L'électorat socialiste a tenu bon, à peu près. C'est l'électorat dit populaire qui s'est égaillé. Il n'a jamais raffolé des socialistes. Son parti, c'était le PC, dont Mitterrand et Jospin après lui ont toujours su qu'il fallait le soutien pour être couvert à gauche. Mais là, c'est le coma dépassé. L'électeur communiste est devenu un objet de musée. Alors avec qui, comment, sur quelles bases peut-on aujourd'hui reconstruire une gauche de gouvernement? En louchant vers Blair? Ou vers Marx? La réponse n'est pas simple et il est normal qu'elle divise. L'important est que la question soit correctement posée. Jacques Barrot n'est pas un perdreau de l'année. Appelé à présider le groupe obèse de l'UMP à l'Assemblée, il y mettra toute l'expérience et la diplomatie acquises au cours d'une longue carrière de centriste. Il en a montré quelques aspects au «Grand Jury», en y ajoutant un peu d'humour (LCI). Il feint même de penser qu'à bulletins secrets, Edouard Balladur ne sera pas forcément battu dans la course au perchoir par le candidat de l'Elysée, Jean-Louis Debré. Ce disant, il se fait rire lui-même. Il voit bien que le Premier ministre s'est pris les pieds dans le tapis en annonçant prématurément une décision sur le smic, mais c'est la faute aux 35 heures! Conciliateur-né, il voudrait que tout le monde s'aime et va s'y employer. En dépit de ce programme, il a réussi à n'être pas ennuyeux du tout. F. G.
Jeudi, juin 27, 2002
Le Nouvel Observateur