Recette pour atteindre le bonheur
De quelle couleur était le ciel, hier ? Voyons, réfléchissez... Vous ne vous rappelez pas ? En quelle année avez-vous été gravement malade pour la dernière fois ? Je crains que vous vous en souveniez fort bien. Si tel est votre cas, il faut vous plaindre, car vous n'avez pas l'instinct du bonheur..
Vous pouvez dire sans vous tromper : '' Cet événement s'est déroulé en 1934. J'en suis certaine, c'était l'année de « ma » typhoïde ». Et vous n'avez pas conservé dans le creux de votre rétine la couleur qu'arborait hier, le ciel sous lequel vous avez vécu ! Vous ne l'avez pas conservée, parce que, vraisemblablement, vous ne l'avez pas regardée.
Ainsi, vous préférez meubler votre mémoire de souvenirs ennuyeux ou attristants au lieu de les écarter une bonne fois et de ne retenir que les images aimables, les moments heureux, les jours fastes.
Je ne peux pas croire que l'année où vous eûtes cette typhoïde, dont vous avez fait une propriété personnelle, ait été, hormis cette maladie, totalement déserte de joies et de plaisirs.
Le bonheur, dit La Rochefoucauld, n'est pas un événement. C'est une aptitude. Si cette aptitude vous fait défaut, voulez-vous que nous essayons ensemble de l'acquérir ? Voici quelques recettes :
— Banissez de votre esprit le souvenir des jours malheureux de votre vie, pour ne retenir que les heures heureuses.
— N'ayez pas la vanité de vos malheurs passés ou présents comme on a celle de ses diplômes.
— Devant l'événement fâcheux qui survient, cherchez aussitôt à discerner les avantages que vous ne pouvez manquer d'en tirer. Il y en a toujours. S'ils ne vous sont pas immédiatement perceptibles, vous en découvrirez plus tard les conséquences favorables.
Tout le monde connaît l'histoire de Simon Patino qui fut chassé d'un emploi obscur de deuxième encaisseur parce qu'il avait accepté en paiement d'une traite une mine d'étain inexploitée. On le renvoya muni d'injures et de sa mine d'étain. Pauvre, sans travail, il essaya d'en tirer parti. Il est aujourd'hui l'un des hommes les plus riches du monde : le roi de l'étain. Sans cet incident, il serait peut- être premier encaisseur dans une banque de province.
Lorsqu'une forte contrariété vous atteint, pensez à la mine d'étain et reprenez espoir.
— Ne soyez pas fière d'être nerveuse, comme si c'était là le privilège d'une sensibilité exceptionnelle. Etre trop nerveuse, c'est une maladie qui n'est pas plus romantique que l'entérite. Il n'y a pas lieu de s'en vanter. Essayez au contraire de vous maîtriser. Un verre renversé, un accroc à un bas, un train manqué, un objet perdu... Autant de petits désagréments contre lesquels il faut vous défendre et armer vos nerfs.
Accordez leur importance qu'ils méritent et inclinez-vous devant l'irréparable, sans y ajouter par surcroît l'ennui de vous rendre malade de rage.
Ce climat de drame dans lequel se complaisent tant de femmes est éminemment malsain et stérile. Si l'on sort parfois meilleure et plus forte d'une souffrance authentique, l'être humain est infailliblement diminué par l'énervement et par cette « délectation morose » que les casuistes considéraient comme un péché.
Ayez au contraire l'orgueil de votre santé morale et physique, de votre équilibre, de vos nerfs domptés. Ce n'est pas original du tout d'être malheureuse. C'est au contraire tristement banal.
Si vous avez le désir profond d'être « celle qui est heureuse », vous y parviendrez et vous acquérerez en même temps ce rayonnement irrésistible qui émane de ceux qui possèdent la joie
C'est un petit garçon de cinq ans qui m'a enseigné le bonheur. Il avait un frère de sept ans, doué d'un exécrable caractère. A Noël, leurs parents tentèrent une expérience. Ils mirent dans les chaussures de l'aîné une magnifique automobile rouge, dans celles du petit une pelletée de crottin de cheval.
Au matin, les enfants coururent à la cheminée. L'aîné, maussade, grogna : « J'aime pas le rouge ! Je voulais une auto verte. Et puis, elle est trop petite. Et puis, j'aime pas le rouge... »
Le petit, devant le crottin de cheval, eut ce mot admirable :
— Le Père Noël est bien généreux. Il m'a apporté un cheval, un très beau cheval. Seulement, il a oublié de l'attacher. Alors le cheval est parti.
Ce petit garçon avait l'instinct du bonheur.
Mardi, octobre 29, 2013
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