Réflexions sur la liberté, qu'on fête en France, la faire vivre est une lourd fardeau « Il s'agit évidemment de savoir si on la préfère vivante, avec ses plaies et ses caprices, ou embaumée dans un tombeau de verre. »
REFOULEE d'Allemagne, chassée de Russie, la liberté se repose en France, dans son pays natal.
Certains prétendent qu'elle est condamnée. Trop de globules blancs, disent les uns ; trop de globules rouges, affirment les autres ; trop de médecins, disent les troisièmes.
Périodiquement, les spécialistes penchés à son chevet publient un bulletin de santé sous forme de discours dominicaux.
Malheureusement, s'ils sont d'accord pour se montrer inquiets, ils sont divisés à propos des remèdes.
L'un préconise un changement de régime.
— Vous, le grand, taisez-vous, riposte le second. C'est à moi seul qu'il faut la confier. Véritable yoghourt du Caucase et purges régulières.-
— Permettez, permettez, dit le troisième Si je vous la confie à l'un ou à l'autre, vous allez me la tuer... D'abord, c'est moi le médecin traitant. Nous la soignons de père en fils et quoi que vous disiez, je ne lui trouve pas si mauvaise mine. Je vous accorde que la température est élevée, mais c'est vous qui l'échauffez avec vos discussions.
Ainsi, ils se disputent au chevet de la liberté malade, prétendant chacun que c'est grâce à leurs bons soins si elle atteint aujourdhui victorieusement son 159e anniversaire.
Pour le fêter, ils se sont tout de même mis d'accord sur le programme des réjouissances.
Musique, lampions, limonade, et que tout le monde danse comme si rien n'était.
Ils reprendront demain leurs consultations.
Le grave est que, pendant les crises, la famille excédée gémit quelquefois :
— Tant pis... Qu'on l'achève, cette chétive, et que finissent ces palabres ! D'abord, nous sommes en train de nous ruiner en honoraires...
C'est à ces momentslà qu'elle est vraiment en danger.
Il s'agit évidemment de savoir si on la préfère vivante, avec ses plaies et ses caprices, ou embaumée dans un tombeau de verre.
Inutile alors de lui porter des fleurs il sera trop tard pour pleurer.
Mardi, octobre 29, 2013
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