Les bottes de Chirac

Tiberi n'a fait que reconduire les habitudes...
Est-ce bien convenable, ce que l'on fait à Jean Tiberi? Quelquefois, on se pose la question. Une équipe de Canal+ qui s'est faufilée dans son système apporte sa réponse. En devenant maire de Paris, Tiberi a purement et simplement chaussé les bottes du maire sortant, Jacques Chirac, et reconduit les habitudes, soit une administration municipale sous la coupe du RPR auquel elle fournit des fonds et des emplois fictifs. Il y a eu des rapports de l'Inspection générale de la Ville de Paris pointant des situations scabreuses, mais seuls le maire et son Tiberi en avaient connaissance. Un ancien gendarme raconte comment il était chargé de poser, la nuit, des micros dans les bureaux des employés. Les lignes téléphoniques étaient écoutées. Un pool de secrétaires les transcrivaient. Moyen d'intimidation sur les employés rétifs. Ah! où est le bon temps où les chaînes de télévision étaient asservies au gouvernement! L'impertinence est en train d'y faire joyeusement son lit. Montand : cette longue émission, vieille d'une dizaine d'années, a resurgi soudain. On n'a plus grand-chose à apprendre sur lui, en vérité, et deux heures quinze, c'est long. Néanmoins, ce fut plaisant, nourri d'archives peu connues. Ce n'était pas un grand acteur, Yves Montand, mais un grand animal de scène, et on le voit là très jeune, occupant tout de suite l'espace comme il faut. Il n'a jamais été beau, ce qui s'appelle beau, c'est tout son corps qui véhiculait un fabuleux potentiel de séduction. Comme il s'en sert bien! Il chante, naturellement, et il parle en voix off. Quelquefois, ce qu'il dit est un peu vaseux mais ça ne fait rien. Quand arrive l'insurrection de Budapest, il est troublé. Cependant, le voilà avec Signoret à Moscou où il vient chanter. Elle est très belle sous son bonnet de vison. Il chante dans une usine et c'est l'extase. Chanter pour le peuple! Ah! Coup de Prague en 1968. Cette fois, c'est trop, il s'éloigne du Parti communiste : «Plus, tu deviens complice. Le Parti a ses raisons mais ce n'est pas suffisant.» Changement de décor : Montand et Simone sont à Hollywood où il tourne avec Marilyn Monroe. Long baiser qui en annonce d'autres, avec la délicieuse croqueuse d'hommes. Réaction de Signoret qu'il rapporte : «Rien ne sera plus jamais comme avant. » Après la mort de sa femme, il traversera une période difficile, puis se reprendra. Le film s'achève sur une imagede lui, de dos, marchant en tenant par la main un petit garçon. C'est une gracieuse ellipse (Odyssée). Le dimanche, entre 11 et 15 heures, sont concentrées quatre, cinq émissions qui se chevauchent, de «Droit d'auteurs» à «Absolument cinéma». Est-elle si fréquentée, cette tranche horaire? Probablement. Mais c'est fatigant. Au prix de quelques acrobaties, on peut voir un bout de l'une, un bout de l'autre, passer des victimes de la famine d'Ukraine en 1933, traitée par «Droit d'auteurs», à la table de «l'Appartement» où Ariel Witzman, chouchou de Canal+, reçoit à déjeuner. On se posait chez lui des questions existentielles sur l'argent, les belles bagnoles, en avoir ou pas? Mais «Arrêt sur images» avait commencé. D'abord on s'ennuya. J'ai failli filer sur «Absolument cinéma». Mais les publicités de Bush et de Gore, cela valait la peine, oh! oui. Des échanges meurtriers. Sur le dernier clip de Gore se sont imprimées quatre grosses lettres, RATS (Salauds). Hurlements! Qui a fait ça! Sabotage! De toute façon, maintenant, c'est fini, cette histoire-là (La Cinquième). Epuisée, j'ai regardé Chevènement faire son premier discours de candidat à l'Elysée devant le «Grand Jury» (LCI). Ma langue au chat si je me trompe? Il était plutôt bon. F. G.

Jeudi, novembre 9, 2000
Le Nouvel Observateur