Son autorisation reconduite, la Une pourra tranquillement poursuivre sa politique. Le débat n'a pas eu lieu. Dommage...
Ainsi le voilà sorti du jeu, et ce n'est pas sans tristesse que l'on a vu M. Giscard d'Estaing lancer ses derniers feux sous les sifflets. On dira qu'il a eu son compte de pouvoir et d'honneurs, mais un homme politique n'a jamais fini d'espérer... Il a cru qu'il retrouverait l'Elysée, il a cru qu'il serait maire de Clermont, il a cru qu'il garderait la main sur l'UDF, et puis voilà, c'est fini. Et il y a quelque chose de pathétique dans cette sortie sans gloire d'un stratège fourvoyé. Tant d'intelligence, tant de talent, et au bout l'échec, alors que son vieil ennemi Chirac tient le manche... Dur, dur... Que va-t-il faire maintenant? Peut-être s'ériger dans l'emploi de censeur du pouvoir, dire durement ce qu'il croit, faire mal quelquefois. Mais sa physionomie est abîmée, son autorité diminuée; va-t-on l'écouter? Horrible jeu que le jeu politique? Il ne fait grâce à personne, même pas à ses enfants gâtés. Qui a envie de se brouiller avec la Une? Son président, Martin Bouygues, a du plomb dans l'aile? N'importe, on ne se met pas à dos sans absolue nécessité une pareille force de frappe. Aussi était-il hors de question que le CSA lui refuse le renouvellement, pour cinq ans, de sa concession. En vérité, les neuf sages du CSA étaient dans une seringue. Une certaine loi Carignon, votée en 1994, encadre le Conseil de telle sorte que, face aux chaînes commerciales, sa marge de manœuvre est faible. Il n'en a pas usé. C'est à l'unanimité que les sages, y compris ceux nommés par la gauche, ont renoncé à demander compte à la Une de ses débordements. Quant au gouvernement, il s'est bien gardé de mettre un doigt dans ces délibérations. L'affaire est donc dans le sac. La Une pourra tranquillement poursuivre sa politique avec un pouvoir inentamé de racoler, quand elle ne prend pas des libertés avec l'information. Dommage. Il ne s'agit pas de demander la mort du pécheur. Mais l'occasion a été manquée d'ouvrir un véritable débat sur le rôle d'une chaîne populaire dans le paysage français. La réponse n'est pas simple si l'on ne veut pas faire d'angélisme. Mais elle suppose que l'on définisse jusqu'où on ne doit pas descendre plus bas. Voilà la Une libre de crever le plancher. Le Journal va-t-il se refaire une jeunesse avec la réintégration de Patrick Poivre d'Arvor? Il en a bien besoin, poussiéreux comme il est devenu. Le public le boude, d'ailleurs. Rien de plus mystérieux que la désaffection ? ou l'affection ? que vous inspire une chaîne. On va voir si PPDA est capable de redresser la situation. Je ne vais pas faire l'article pour Jacques Julliard. On me permettra seulement d'écrire qu'il a été excellent chez Pivot. A côté de lui, Anne Wiazemsky sut parler de ses parents, héros de son dernier livre, «Hymnes à l'amour», et de leurs liaisons respectives, avec délicatesse. Elle s'insurgea contre la citation de son oncle, Claude Mauriac : «On déçoit toujours les gens qu'on aime et qui vous aiment.» «Non , dit-elle, non.» Michel Onfray, hédoniste, libertin, athée, quoi encore? philosophe, ma foi, présentait une série de courts essais dont certains sont succulents. Tout cela, placé sous le signe de la liberté d'esprit, fut du bon Pivot. François Genoud, banquier suisse, est nazi dans l'âme depuis l'âge de 17 ans. Il en a 80 et raconte sa vie avec complaisance. Les juifs? l'holocauste? Qu'on le laisse tranquille avec ces détails, d'ailleurs ce n'est que basse propagande. Le sionisme, voilà l'ennemi, et les démocraties occidentales qu'il faut abattre. Il a conseillé, pendant la guerre d'Algérie, d'assassiner de Gaulle. Introduit dans les milieux nationalistes arabes, y glissant partout d'anciens nazis, ses amis, homme d'influence, il a fait ce qu'il a pu pour que se développent le terrorisme, les prises d'otages, les détournements d'avions. Quand ils sont bien sanglants, le vieil homme ricane. Ami de Carlos, soutien d'Eichmann et de Klaus Barbie, intriguant pour créer en Espagne un IVe Reich en exil ? mais Franco n'a pas marché -, que n'a pas fait François Genoud? Il a même posé des bombes contre les Anglais. Le documentaire à lui consacré conclut : «Il a perdu son combat. François Genoud n'a plus sa place dans le monde.» Il en a trouvé une où distiller son message de haine : l'antenne de France 2. F. G.
Jeudi, avril 4, 1996
Le Nouvel Observateur