On l'a vue charmante chez Pivot, la juge qui a fait trembler les puissants...
«Ignorant, stupide, abruti? Pas prêt pour ce métier. Quand il parle, c'est comme si on coulait du ciment dans la tête des gens? Le cerveau se pétrifie?» Ce sont quelques-unes des gracieusetés qu'une brochette d'écrivains américains, parmi lesquels des poids lourds, Philip Roth, William Styron, Norman Mailer, Arthur Miller, de plus jeunes aussi comme Paul Auster, ont réservé à George W. Bush. Ils parlaient devant la caméra d'une petite équipe française, l'un après l'autre, à New York, à l'occasion du 11 septembre. PPDA a diffusé leurs déclarations dans son émission littéraire (TF1). Ce qui apparaît chez les plus âgés, c'est que les vieilles postures gauchistes collent mal à la situation de l'après-11-septembre. Où est l'ennemi principal? Quelque part au Moyen-Orient ou à la Maison-Blanche? Inconfort sans conséquence. Les écrivains sont sans influence dans ce pays, ce sont eux qui le disent. Jean-Marie Messier, toujours président chez Vivendi du conseil de surveillance (ça ne s'invente pas! ), a gardé, semble-t-il, un pouvoir de nuisance qui l'a ramené dans l'actualité. Mais en sortira-t-il jamais? Dans le cadre de «Complément d'enquête» (France 2), Benoît Duquesne a cherché à expliquer comment il est allé à la catastrophe. En fait, il n'a eu qu'une idée qui eût été géniale si elle avait réussi : posséder à la fois le contenant et le contenu dans tous les secteurs de la communication, cinéma, internet, télévision, édition, etc. Et pour ce faire, pour avoir à la fois les tuyaux et ce que l'on met dedans, il a acheté, acheté, acheté. D'où l'endettement fabuleux qu'il a dissimulé. C'est une fois connu que cet endettement a provoqué la chute spectaculaire du titre. Il est évident que son conseil d'administration, truffé de quelques grands noms du capitalisme français, est coupable, lui, d'une absence totale de curiosité. Il a fallu la note d'un analyste extérieur, du Crédit lyonnais, pour que la vérité éclate, ce qui est incroyable. Le reste, les avions privés, l'appartement géant, les dépenses somptuaires sont anecdotiques. Il croyait impressionner. Remarque d'un observateur américain : nous admirons beaucoup ceux qui savent dépenser après avoir réussi. Mais pas avant. Un bon moment entre autres dans le «Double Je» de Bernard Pivot, mais un peu frustrant, avec Eva Joly, la femme qui a fait trembler Roland Dumas et bien d'autres dans son cabinet. Détendue, comme on ne l'a jamais vue, large sourire bleu, elle a reçu Pivot dans son chalet en Norvège et s'est montrée drôle, charmante. Enfin, on allait savoir pourquoi elle a planté là de si brûlants dossiers, mais d'abord : comment une Norvégienne devient-elle juge d'instruction à Paris? Une passion intellectuelle pour la France l'a poussée à y faire ses études. Dans la rue, elle se dit : «Je marche là où Voltaire a marché», et elle jubile. Elle devient française en épousant un jeune médecin qui fut son mari bien-aimé. Et puis, parce qu'elle s'intéresse au problème de la corruption qui ronge tout ? «derrière la corruption il y a la misère» ?, elle passe un concours, le réussit. Plus tard, elle sera nommée juge d'instruction. Le dossier Elf lui arrive. D'autres suivent? Elle n'est sûrement pas commode, Eva Joly, quelques inculpés français éminents ont eu à s'en apercevoir, mais il fallait lui faire dire pourquoi elle est partie. Lassitude? Sentiment d'impuissance? Pressions? Lesquelles? On est resté sur sa faim. On voudrait bien savoir, pourtant, qui Eva Joly dérangeait? Le dossier Elf n'est pas clos, que l'on sache? Elle est mignonne, elle est névrosée, écrire est toute sa vie, elle voudrait âprement qu'on l'aime, son dernier roman, «Pourquoi le Brésil?», paraît bien parti vers le succès. A qui donc faisait-elle penser sur LCI, en face d'un Plenel tout attendri? Quand on entend ceci : «Pourquoi les gens ne peuvent-ils pas écrire comme ça? C'est comme ça qu'il faut écrire, comme moi!», l'illumination se fait : c'est Duras! L'assurance de Duras! La certitude intime d'être la meilleure, que dis-je, l'unique! Eh bien, on souhaite à Christine Angot autant de lecteurs. Laurent Ruquier, généralement mieux inspiré, a laissé l'un de ses invités tenir sur Roselyne Bachelot des propos indignes de lui (Europe1): «Moi, je suis sûr qu'elle doit être excitante au lit [?]. De toute façon, quand elle parle ou qu'elle crie, on a l'impression qu'elle jouit.» Nul doute que les charmantes femmes complices de «la bande à Ruquier» auront à cœur de nous faire savoir comment Ruquier se comporte au lit. F. G.
Jeudi, septembre 26, 2002
Le Nouvel Observateur