Quand il ne resterait plus rien de Dieu, il resterait ce sujet de conversation. Et ? ce qui paraît effarant ? toutes les religions garantissent quelque chose comme une résurrection. C'est donc qu'il y a demande...
Lionel Jospin affaibli, Chirac en embuscade, cela donne quoi dans la perspective de l'élection présidentielle? On a le temps d'y penser, mais le monde politique ne pense qu'à ça. Réunis par Pierre-Luc Séguillon sur LCI, deux journalistes ont enterré Jospin. Christophe Barbier («l'Express») et Georges-Marc Benamou («la Provence»), mais lui est un habitué du style funéraire. Pour un peu, il décrirait le Premier ministre l'?il glauque, la bouche ouverte, bavant en suçant un ortolan, bref comme il a imaginé un illustre ancêtre. Il lui lance une impérieuse objurgation : quittez Matignon! Barbier y souscrit. Plus calme, Alain Slama («le Figaro») attribue à la presse le désamour dont pâtirait le Premier ministre et le conjure d'élaborer un «projet pour la France» assorti d'un calendrier pour sa réalisation. Méthode Mendès France. Un bon connaisseur de politique intérieure, Jean-Michel Helvig («Libération»), fait doucement remarquer que ses collègues sont «vains et légers». Et il ajoute : «Qui aurait dit il y a dix ans que la forteresse de Paris échapperait à Chirac?» Pendant ce temps, l'eau monte à Abbeville, où des gens exaspérés, désespérés ont fini par croire qu'il suffit de tourner un robinet à Paris pour que l'eau remonte sa pente et épargne la capitale! Pour ce que l'on en a vu, le Premier ministre n'a pas su leur parler. Du Viagra pour Chirac! Un père dominicain pétri dans sa foi, un historien, René Rémond, ancré dans sa religion mais vivement sensible au discrédit de l'Eglise et du christianisme, un homme de théâtre mystique, Robert Hossein, un académicien, Jean-Denis Bredin, obsédé par le divin ressenti en tant qu'absence ont buté ensemble, le vendredi saint, sur le mystère du Mal. Quand il ne resterait plus rien de Dieu, il resterait ce sujet de conversation. Jean-Denis Bredin a écrit une «Lettre au Fils» pour dire ce qu'il pense du Père. Le ton est vif. Bredin exige de savoir si sa vie a un sens. Les autres semblaient assurés de leur résurrection. Cela paraît effarant, mais toutes les religions garantissent quelque chose comme ça. C'est donc qu'il y a demande. Le documentaire d'Yves Jeuland et Pascale Sauvage sur la bataille de Paris («Paris à tout prix», Canal+) est savoureux et cruel, c'est la loi du genre. Il est bien rare que des personnages saisis à l'improviste par une caméra se présentent sous leur meilleur aspect. Il est bien rare aussi qu'une bataille électorale se présente autrement que comme une bataille pour le pouvoir. Dans une confédération syndicale ou dans un groupe industriel. Ce qui distingue la «bataille de Paris», ce n'est pas qu'elle est politique, c'est que nous en connaissons tous les acteurs. Scène piquante : Xavière Tiberi évolue dans un grand salon où il y a réception. Une petite fille est là, seule, elle pleure, Xavière se penche, essuie les larmes, emmène la petite auprès de Tiberi, chacun la prend par une main, on s'exhibe un peu et Xavière s'écrie : «Elle avait tellement envie de connaître Jean!» Qui inventerait ça? Lyne Cohen-Solal, ardent soutien de la candidature Lang, disant à une journaliste : «Delanoë? On ne peut pas prendre le plus mauvais pour gagner!», on lui ressortira cela toute sa vie! Delanoë se tire bien de l'épreuve du documentaire. Il n'est jamais ridicule, il a du mérite. Balladur, mollement assis à côté de Philippe Séguin, à une terrasse. Ils semblent exténués. Balladur épice un jus de tomate. Soudain il murmure : «On se bat, on se bat, ça durera ce que ça durera.» Plus tard, Séguin entre ses dents : «Paris est perdu.» A cet instant, il est pathétique. Mais il faudrait tout raconter. Un seul nom est totalement absent de «Paris à tout prix», volet 1: celui de Jacques Chirac. Révérence? Prudence des auteurs? Le mot que l'on doit écarter, c'est ignorance. F. G.
Jeudi, avril 19, 2001
Le Nouvel Observateur