S'indigne face à la limitation à quatre des partis autorisés à l'Assemblée européenne. (fait référence à la cinquième liste, radical, à laquelle elle est attachée ??)
Pourquoi quatre listes et quatre seulement?
Puisque personne ne se propose de déchirer le traité de Rome, qui a fondé la Communauté européenne, ni même d'en réviser les dispositions, en quoi la présence, à l'Assemblée européenne, d'un représentant des régionalistes, des féministes, des fédéralistes, des écologistes, ou de tout autre groupe de citoyens refusant de se diluer dans l'un des quatre partis « officiels » serait-elle dommageable, et à qui ?
En théorie, rien ne s'y oppose. En pratique, les verrous ont été mis. Au scrutin proportionnel, cette présance eût été acquise, en effet : un député sur quatre-vingt-un vaut 1,2 % des voix.
Mais le premier lot ne s'achète que par quatre. Les initiateurs de toute liste qui ne réunirait pas 5 % des suffrages ne seraient pas remboursés par l'Etat des 3 millions et demi de francs qu'il leur faut avancer pour payer les bulletins de vote et textes légaux obligés, à l'exclusion de tous frais de campagne proprement dite.
Cette forme moderne du suffrage censitaire ne serait que choquante si elle ne revenait à rejeter dans la marginalité éventuellement violente — et pour l'immédiat dans une probable abstention — ceux pour qui l'Europe de l'avenir, c'est d'abord leur avenir dans l'Europe.
N'en prenons qu'un exemple : les écologistes.
S'il y a une affaire européenne, c'est l'énergie nucléaire. Qu'une centrale se fissure en France ou en Allemagne, du côté du Rhin, et la radioactivité, meurtrière pour des générations, ne s'arrêtera pas poliment aux frontières.
Que l'Europe renonce à toute utilisation de l'énergie nucléaire, et les conséquences ne seront pas négligeables non plus.
Cependant, devant les manifestations de rejet qu'elle provoque, l'Allemagne fédérale a dû freiner sensiblement en baisse les objectifs qu'elle s'était fixés en 1974, et le chancelier Schmidt vient de demander « que l'on prenne au sérieux les craintes d'autrui ». En Autriche, le chancelier Kreisky s'est solennellement engagé à ne plus construire de centrales et doit, semble-t-il, à cette attitude son éclatante victoire électorale.
Qui s'oppose, partout, à la prolifération des centrales nucléaires ? La partie de la population la plus conservatrice, la moins dynamique, la plus portée par son âge à se montrer frileuse à l'égard des progrès de la technologie ? Non, Celle-là est, en gros, résignée. Elle en a tant vu...
C'est la jeunesse qui s'insurge contre la société de gaspillage associée à la désinvolture de la société nucléaire.
« Les jeunes, disait Louis Armand, sentent les craquements de la société comme les oies sentent les tremblements de terre. On n'a jamais trouvé de sismographes qui remplacent les oies. Celles-ci ne savent que crier pour annoncer un tremblement de terre, mais c'est déjà quelque chose ! »
Les quatre chefs de file des listes actuellement admises à être en présence peuvent dormir sur leurs huit oreilles.
A moins d'un sursaut qui ferait miracle, le cri des oies ne viendra pas perturber à la télévision, ni plus tard à Strasbourg, leurs discours d'un autre temps.
La population de la France n'a jamais été aussi riche de jeunesse. Que son expression la plus vivace dans tant de domaines nouveaux soit éliminée par l'argent, beau programme pour l'Europe de l'avenir, n'est-il pas vrai ?
Mardi, octobre 29, 2013
Le Monde
politique européenne