Le coup du nègre

Aux dernières nouvelles, Aussaresses ne serait pas l'auteur de son livre. Un général tortionnaire trahi par son éditeur? Pas mal joué!
Allons bon! Voilà que le général est gâteux! On l'a vu et entendu pourtant très gaillard, mais non, il frime! Quand Aussaresses déclare et répète : «J'ai torturé?», il se vante pour faire l'important! Selon «le Figaro», à qui l'on doit cette révélation, un nègre aurait introduit la torture dans le livre du général pour l'épicer un peu. Conclusion du journal : «Ce vieil homme [?]fait un coupable idéal dans le procès de l'armée que certains ont, une fois de plus, décidé d'instruire.» Ma parole, ils vont le torturer, le général, pour lui faire avouer qu'il n'a plus sa tête. Si tout cela n'était aussi douloureux, le coup du nègre mériterait d'être breveté. La série de Jean-Pierre Elkabbach sur François Mitterrand a souffert, comme tous les programmes, de «Loft Story», mais elle fera certainement l'objet de rediffusions. Le dernier épisode était étoilé de ces formules qui lui jaillissaient des lèvres : «Ne sous-estimez pas la force de mon indifférence?»; «Le pouvoir, c'est très fragile, c'est ce qui en fait le charme»? A propos de ses adversaires : «Les gens meurent. Moi aussi, d'ailleurs.» Pétillement mis à part, il était interrogé sur François de Grossouvre, qui s'est suicidé dans son bureau à l'Elysée, semant l'émoi. Le commentaire du président est sobre : «Un homme intelligent qui pouvait être de bon conseil. S'il avait de l'influence? Je ne sais pas ce que ça veut dire.» En clair, Grossouvre n'a jamais été l'éminence grise, le personnage mystérieux, l'agent secret que l'on a dit. Cet homme agréable, fortuné, avec des manières de grand bourgeois, était surtout un grand émotif. Dès le début des années 60, il avait conçu une passion pour Mitterrand, une passion. Après un voyage où il l'avait accompagné en Chine, il est devenu son ombre, collant à lui. Plus tard, Mitterrand ne lui a jamais confié de vraies responsabilités d'ordre politique et c'est ce qui a fini par le rendre fou. Tous les fidèles en avaient alors que lui était, à la fin, cantonné dans les chasses de la présidence. Et Mitterrand ne chassait pas! Il est devenu très malheureux. Egaré par la jalousie, un jour, il s'est tué dans son bureau. Coup de feu à l'Elysée : un sujet de roman. Drame de l'amour sur fond de pouvoir. Payer pour Canal+, payer pour internet, payer pour le câble, payer pour TPS. L'abonné est devenu le pigeon de la télévision. Assez! Donc, pas de crudité TPS cette semaine. Un journaliste de «la Repubblica», qui a connu le phénomène «Loft Story» dans son pays il y a six mois, nous réconforte : un jour, ça s'arrête. Comme les oreillons. En attendant, à «Arrêt sur images», dialogue entre le président du Mrap et celui de SOS-Racisme. Aziz a été appelé «sale Arabe». Le Mrap a déposé plainte. Le président de SOS-Racisme explique à son interlocuteur qu'il a quinze ans de retard, que ce «sale Arabe» n'a aucune signification raciste, que le racisme, aujourd'hui, c'est quand on refuse un logement à quelqu'un parce qu'il est arabe ou noir, ce n'est pas quand un copain vous dit : «Allez viens, sale Arabe!» C'est probablement lui qui a raison. Laurent Fabius (excellent au «Grand Jury») regarde «Loft Story» avec ses enfants et cela l'intéresse. Enfin un qui avoue! Plus sérieusement, il a fait une remarque frappante : après la présidentielle et les législatives de 2002, il n'y aura pas d'élection nationale pendant cinq ans. Président, députés seront vissés! Alors, ne pas se tromper en les choisissant! C'est pure folie ce qui se passe en Israël et dont nous voyons chaque jour, impuissants, l'horreur monotone. Il n'y a pas de bon mort, ni palestinien, ni israélien. Se peut-il qu'il n'y ait pas dans le monde un dirigeant de quelque envergure pour se mettre en travers, pour dire : «Arrêtez-vous! Parlons.» Clinton était tout près d'y arriver, tout près, Bush croit que Jérusalem est en Suède, le pape a gaffé en Syrie, l'Europe n'a aucun poids dans la région. De quoi désespérer. F. G. P.-S. Ce sont les grandes maisons d'édition américaines que Bertelsmann a achetées, pas les françaises, jusqu'à présent ? comme une erreur de transmission dans ma dernière chronique pouvait le laisser entendre. D'autre part, le groupe allemand est actionnaire de plusieurs chaînes de télévision dans le monde.

Jeudi, mai 24, 2001
Le Nouvel Observateur