Que partagerons-nous entre Français quand chaque région ne pratiquera plus que sa langue?
Réactionnaire? Jacobine? Frileuse? Non vraiment, je ne crois pas. Ces épithètes volaient sur LCI dans la bouche d'Olivier Duhamel et Guy Carcassonne pour qualifier qui est rebuté par la Charte des Langues régionales. On peut être tout bêtement triste devant cette charte. «Ma langue, c'est ma patrie», disait E. M. Cioran. Qui ne le sait? Que les Catalans, les Bretons, les Alsaciens et quelques autres ne se sentent chez eux que dans leur langue, on peut le comprendre. Le basque est plus ancien que le français. Mais que nous restera-t-il de patrie commune quand chaque région ne pratiquera plus que sa langue? Que partagerons-nous encore quand les petits enfants n'apprendront plus comment le renard dérobe au corbeau son fromage? Mais peut-être n'ont-ils plus envie de partager? Alors soit, que chacun rêve, lise désormais dans sa langue. Simplement, n'en faisonspas une victoire. Ni d'ailleurs une tragédie. Avant dix ans, tous seront obligés de savoir l'anglais pouravoir du travail. Que si peu de petits Françaisy soient dès aujourd'hui entraînés est pluspréoccupant pour leur avenir que l'expansion des langues régionales. Entre l'Apocalypse selon saint Jean, les prophéties de Zacharie et la peur du bogue, l'an 2000 rend chèvre. Dans une émission brillante, Christine Ockrent a montré Jérusalem prise d'assaut, des protestants installés au pied du tombeau de Lazare persuadés qu'ils vivent leurs derniers jours, d'autres au mont des Oliviers qui viennent se purifier avant que Jésus n'arrive. En France, la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc est ressentie comme l'avertissement de la colère divine. Aux Etats-Unis, c'est la perspective de «l'effet bug» qui rend hystérique. L'un croit que son pacemaker va s'arrêter, l'autre que son ascenseur va tomber. Peut-être. On verra le 31 décembre. D'ici là, ce serait bête de mourir de peur (France3). Fort de son expérience, Jorge Semprun, interrogé par Alain Duhamel, a été percutant. En bref : le communisme a-t-il un avenir? «Non». Que peut apporter le marxisme à un nouveau projet de société? «Marx a fait la critique de la société capitaliste. Il n'a jamais extrapolé. Il ne faut pas changer de société, il faut changer la société; se dégriser de l'idée de révolution. La diabolisation du marché dans les social-démocraties qui n'ont pas fait leur travail de deuil est funeste.» Quid de l'exception française? «Le modèle français est en crise. D'où une angoisse identitaire tout à fait nouvelle en France, d'où un jeu national d'autosurestimation? Mais la France exerce encore une énorme influence, diffuse, impalpable?» Philippe Séguin est impré-visible. Où allait-on le retrouver? Au couvent? Non. Il est rentré à la maison, le RPR, où «je ne peux être que le premier, ou militant de base» . A cette place, il va chercher à reconstituer un rassemblement digne de ce nom. Pour l'offrir à Chirac? Heu? Ce nom lui écorche la bouche, comme la bouche de Pasqua. Là-dessus, les deux hommes sont d'accord. Cette fois, ils travaillent pour eux («Public»). Le carrousel tourne? Quelques têtes familières vont aller se battre ailleurs avec l'Audimat. La petite bande de Canal+, réfractaire dès l'origine à Guillaume Durand, a réussi à le faire éjecter de «Nulle Part ailleurs» où Nagui opérera à sa place. Nul doute que ce ne sera pas le même genre! On retrouvera Guillaume Durand sur l'antenne d'Europe1. Michel Field a choisi d'émigrer de la Une sur France3. Non qu'il ait démérité avec «Public» mais, comme on dit, il en avait sa claque. Ruth Elkrief occupera sa case le dimanche. Elle n'est connue que du public, relativement limité mais exigeant, de LCI où elle a fait son trou jour après jour avec de longues interviews implacables, derrière un beau sourire. Elle avait une paix royale parce que la chaîne câblée ne pratique pas les sondages d'audience émission par émission. Aucune chaîne câblée n'en a les moyens. Trop cher. Donc, pas de bulletin de bon ou de mauvais élève indiquant que, la veille, le public a décroché entre 19h10 et 19h15 et n'a raccroché qu'à 19h50, par exemple? Un cauchemar qui use les nerfs des plus endurcis. F. G.
Jeudi, juillet 1, 1999
Le Nouvel Observateur