Qui va-t-on oser mettre à la place du créateur de «Bouillon de culture»? Les paris sont ouverts
Les constitutionnalistes, comme les économistes, ne sont jamais d'accord entre eux. Les voilà qui n'en finissent pas de débattre sous nos yeux le point de savoir si un juge d'instruction peut solliciter du président de la République son témoignage. La France a eu tellement de constitutions. Cinq, sept? La dernière, on s'aperçoit qu'elle peut la dévisser et la revisser à l'envers, selon celui qui la tourne. Constitution ou pas, personne ne fera croire à personne que si le chef de l'Etat en décidait, il ne pourrait pas témoigner au sujet des HLM de Paris, devant le juge qualifié. Mais non. Ces vieilles histoires, ça restera ni vu ni connu je t'embrouille. Le patron en France c'est Chirac, qu'on le sache. Villepin mettez-moi ce Halphen aux fers! Douce France? Le contentement de soi est toujours un état périlleux. Lionel Jospin avait de bonnes raisons, mais pas assez cependant, pour qu'il ne récolte quelques ennuis de ces municipales. Quelle idée présomptueuse, celle d'avoir autorisé ses ministres à courtiser les électeurs, et quelle idée malheureuse de les garder en fonction après leur échec. Bizarre qu'à Matignon on n'ait pas senti cela, qui n'est écrit nulle part, ne relève d'aucune règle, mais qui est inscrit dans la sensibilité de tout électeur. Les battus s'en vont. Il y a plus préoccupant, mais qui ne dépend pas du Premier ministre : l'effet des secousses américaines sur la croissance européenne. Lionel Jospin ne peut pas se présenter à l'élection de 2002 avec dix chômeurs de plus qu'il n'y en a aujourd'hui. La baisse du chômage, il en a fait sa chose. A cet égard, le moral doit être gardé. Aux Etats-Unis comme ailleurs, la santé économique est affaire de psychologie, celle des investisseurs, des consommateurs. Alors écartons les hypothèses alarmistes, pas plus fondées que les autres. Danone et Marks & Spencer sont des cas particuliers. Peut-on licencier aimablement? Les Anglais s'en moquent, ce n'est pas chez eux que la vieille maison ferme des magasins. Danone? Antoine Riboud, un grand monsieur, court de taille, large de cœur, inventif, près «des gens», avait créé ce groupe, formidable machine à faire des bénéfices. Il s'est retiré, atteint par l'âge. Sur le fond du problème qui a conduit Danone à licencier «brutalement» selon le mot de Laurent Fabius, je n'ai pas de lumières. Mais avec Antoine, sûr que cela ne se serait pas passé de la sorte, quiconque l'a connu vous le dira. Il y a patron et patron. Cent cinquante écrivains, interrogés une fois ou plusieurs par Bernard Pivot, ont été priés de lui écrire un petit compliment, ce qu'ils ont fait de bon cœur. L'intéressé a balayé du regard la liste des signatures et a grogné: «Il y en a que je n'ai jamais vus.» Suprême snobisme : réussir à glisser son nom parmi les invités de Pivot sans en avoir été. Qui va le remplacer? Ou plutôt, qui sera, à la rentrée de septembre, chargé d'une émission littéraire sur France2? Les candidats abondent mais l'un s'écoute parler, l'agressivité de l'autre est inadaptée, la plaisante réserve britannique du troisième a des détracteurs, Danièle Lumbroso, mise en place par Michèle Cotta, est délicieuse à regarder, et puis elle bosse, elle, mais une femme, vous croyez? Qui d'autre encore peut prétendre faire le poids? Je ne sais pas. Le sûr est que l'élue ou l'élu doit se préparer à être massacré avant que son charme et son savoir-faire n'opèrent, s'ils existent. C'est un défi de s'incruster à la place de la tour Eiffel. Anne Andreu a des relations d'amour avec le cinéma, c'est pourquoi son émission du dimanche, sur La Cinquième, a du charme. Cette fois, elle était consacrée tout entière à Federico Fellini, ô bonheur. Un formidable bonhomme. Des extraits de ses films, des pans d'interviews, les espiègleries de Mastroianni, des femmes opulentes, l'ami d'enfance, un patchwork sur fond de Cinecittà, un âge défunt du cinéma, quand l'Italie dépassait tout le monde. Ces Milosevic sont affreux, lui, la femme, la fille. Le fils s'est tiré. On ne veut pas leur mort mais une bonne correction tout de même et que ce couple sinistre soit mis hors d'état de nuire en dépit de sa fortune. Entre la pression américaine, fondée, et la résistance turbulente de Milosevic, matamore en déroute, le Premier ministre yougoslave était dans une seringue. L'autre a d'abord fanfaronné, entouré des gardes en armes qu'il salariait lui-même, puis s'est rendu contre l'assurance qu'il échapperait au tribunal de La Haye. Belgrade l'inculpera seulement d'abus de pouvoir et de corruption. Peut-être aussi de révolte armée, charge un peu plus grave. Probable qu'il écopera d'un an de prison avec sursis. Intimider un tribunal, manipuler des juges et des témoins, il sait faire et faire faire. Mais cela restera en tout cas un beau jour celui où l'on a appris que Milosevic était en prison. F. G.
Jeudi, avril 5, 2001
Le Nouvel Observateur