Comme elle paraît lointaine, cette époque où un Premier ministre annonçait que le problème de l'emploi serait permanent...
La prophetie de Pompidou Etait-ce la troisième ? La quatrième ? Cette soirée consacrée par Arte aux bébés-éprouvette donnait le sentiment d'avoir été vue et revue. Technique, malaise des pères, angoisse des mères, déception lorsque ça rate et que néanmoins on persistera, tout cela était connu, archiconnu et à vrai dire pas tellement plaisant à regarder. Cet acte si intime, faire un enfant, transformé en objet de curiosité, cela ne rend pas heureux, pas du tout. Dans le monde entier, c'est devenu pratique courante, avec des nuances. En Grande-Bretagne, le médecin seul apprécie le droit à la fécondation artificielle. En Italie, des femmes de 50 ans s'y prêtent. En France, ce droit n'est pas accordé aux personnes seules. Aux Etats-Unis, où tout est permis, la fécondation artificielle est surtout demandée par des femmes seules « qui ne veulent pas avoir d'hommes dans les jambes ». Celles-là choisissent des donneurs de sperme sur catalogue. Toute cette histoire de banques de sperme était assez répugnante. Mais sans doute en parle-t-on à son aise quand la nature vous a permis d'avoir des enfants par des moyens plus agréables. Il y a certainement un public pour ce genre d'émissions, celui qui se sent directement concerné et qui cherche une réponse à une souffrance. Puisse-t-il l'avoir trouvée. Voilà Mireille Dumas ressuscitée dans un monde plus avenant, celui de braves gens ordinaires qui habitent tous le même immeuble parisien comme on habite un village. Petits reportages sur l'un et sur l'autre, menues querelles, paroles justes et parfois émouvantes, solidarités... Une grande famille. Tout cela donnait des conversations vives et sincères. Bref, un premier numéro aimable et inoffensif (« la Vie à l'endroit »). Daniel Karlin a encore frappé. Mais il a changé sa manière pour cerner la réalité : cette fois, le chômage vu à travers les demandeurs d'emploi qui défilent dans les agences de l'ANPE. Document dur d'où se dégage l'accablement. Qui peut rester indifférent à ces hommes, à ces femmes qui, de Marseille à Guingamp, ne demandent qu'une chose : travailler, dès lors que chacun a ici un visage, une histoire particulière. Qui ne s'est dit : et si demain c'était moi ? Ils sont bien reçus, aidés autant qu'on peut les aider. Ils sont dignes, pas de misérabilisme, seulement une plainte sourde qui court comme un fil rouge à travers tous les interrogatoires. Un document fort, donc. Trois autres volets suivront (France 2). Pas de quoi se remonter le moral avec les grands feuilletons du moment. « Le Grand Batre » sur France 2, « les Filles du maître de chai » sur France 3. Dans le premier, on a des taureaux et une grande propriété qui périclite, dans le second on fait du vin dans une grande propriété privée d'héritiers. Partout on ramasse le mélo et les clichés à la pelle. Au moins le second est-il réalisé avec un soin assez rare pour être signalé et offre-t-il un visage nouveau intéressant, celui d'une jeune femme qui porte le beau nom de Sophie de la Rochefoucauld. « Le Sens de l'Histoire » a exhumé un document sur Georges Pompidou déjà vu l'an dernier, bien fait au demeurant, mais comme recouvert de poussière, tant l'époque Pompidou paraît lointaine. Ce n'est pas encore de l'histoire, c'est déjà du passé. Le temps de « la bonne vieille France » s'achève et l'ère pompidolienne ouvre l'âge du béton, du nucléaire, des autoroutes, de la productivité intense, l'âge où le problème de l'emploi va devenir permanent, annonce-t-il prophétique. Georges Pompidou était Premier ministre en mai 68, récoltant les fruits d'une politique dont le « social » avait été absent et qui faillit emporter le régime. On sait que de Gaulle se sépara de lui, tenta en vain de reprendre le pays en main en lui proposant une réforme par un référendum où il fut désavoué et se retira à Colombey. Après quoi, Pompidou devenu président, rien ne fut plus comme avant entre les deux hommes, le vieux révolutionnaire et celui qui plaçait l'ordre par-dessus tout. Georges Pompidou est mort, prématurément, en 1974. Bonnes images, bons commentaires. Encore fallait-il s'intéresser à la question. Elisabeth Guigou chez Michel Field, parlant de la justice : naturelle, sobre, simple. Comme les femmes font peu d'histoires ! Le décor de « Public » est toujours aussi ingrat et inadapté à une conversation. F. G.
Jeudi, septembre 25, 1997
Le Nouvel Observateur