S'indigne du placement en huis clos du procès devant lequel devaient être jugés les assassins du commandant Rodier. Attentat au bazooka, visant Salan.
Et si M. Tixier-Vignancour avait été trop loin ?
Quelque haine qu'il porte au général de Gaulle, le croit-il homme à céder au chantage ? Quelque mépris qu'il éprouve pour la démocratie, la croit-il au point d'accepter que l'assassinat soit désormais considéré en France comme une activité libre, en tout cas tolérée, à condition qu'elle s'exerce au bénéfice de personnes bien placées ?
Quelque raison que lui ait donnée la presse de la juger asservie, la croit-il capable de complicité avec des meurtriers ?
C'est cependant le défi, l'avertissement, et l'insulte qu'il a lancés en demandant l'escamotage du procès où devaient être jugés les assassins du commandant Rodier, atteint le 17 janvier 1957, à Alger, par le projectile d'un bazooka, au lieu et place du général Salan.
La presse d'information a, dans l'ensemble, réagi à l'injure qui lui a été faite. En indiquant en pleine audience que seuls « Le Monde », « L'Express » et « Libération » auraient l'audace de rapporter les débats, si ceux-ci ne se déroulaient pas à huis clos, on ne pouvait dire plus clairement : « Avec les autres, on peut s'arranger ».
Ces autres, auxquels était ainsi rendu un hommage empoisonné, ne s'y sont pas trompés. C'est à M. Robert Bony, directeur de « L'Aurore », que l'on doit la plus vigoureuse protestation contre le huis clos à la faveur duquel l'affaire fut remise sine die et les inculpés libérés.
« Comment n'irait-on pas chercher, écrit M. Bony, derrière les « attendus » officiels, d'obscures raisons d'État, ces raisons d'État qu'on n'apprécie guère de nos jours dans les démocraties dignes de ce nom ?
Un régime de liberté suppose une justice indépendante
et sereine. Il est grave que jeudi, à la caserne de Reuilly, le public ait « pu se demander si elle l'avait vraiment été. » M. Bony écrit encore :
« L'affaire, à la ronde, est considérée comme enterrée. Et enterrée dans des conditions qui laissent malheureusement dans l'opinion une détestable impression de trouble. »
Il reste donc à empêcher qu'elle le soit.
Quels sont ces « secrets » dont un avocat croit pouvoir user aujourd'hui pour détourner le cours d'un procès ? Cinquante personnes au bas mot savent, à Paris, ce que contient le dossier que M. Tixier-Vignancour a menacé d'ouvrir si on ne traitait pas son client avec toute la bienveillance souhaitable. Elles ne se privent pas d'en parler. Rencontrer les uns ou les autres, les écouter, les interroger, recouper les renseignements recueillis, reconstituer tout ou partie de ce dossier n'est pas une entreprise surhumaine.
Pour mettre en scène la plus hétéroclite combinaison de « patriotes » qui ait jamais tenté de confisquer à la fois le pouvoir et la justice au bénéfice de leurs ambitions, il faudrait écrire comme Shakespeare.
Mais tous les grands journaux ont au moins un collaborateur capable de mener avec sérieux et précision une telle enquête et d'y apporter sa part de vérité.
Peur d'y toucher ? Si vous avez peur, marchez tranquillement à ce qui vous fait peur. « Le vrai et le juste sont de puissants outils ». D'ailleurs, c!est au moment où tout aventurier sera assuré de l'impunité, et où les Français cesseront d'être égaux devant la loi qu'il conviendra d'avoir peur.
Mardi, octobre 29, 2013
L’Express
politique intérieure