Sur l'information économique caricaturale dispensée aux Français par le gouvernement
« Si tu es sage, tu iras au ciel, mais si tu manges trop de chocolat, tu iras en enfer... ».
C'est à peu près à ce niveau que se situe l'information économique que l'on dispense aux Français. Et l'on s'étonne que le chocolat conserve à leurs yeux tous ses agréments.
Si la situation du pays n'était aussi digne d'alarme, elle serait savoureuse, cette découverte soudaine que des messieurs prétendument sérieux, théoriquement renseignés et chargés d'éclairer l'opinion, font des réalités.
Soutenir la politique d'un gouvernement et déclarer, six mois après, qu'elle fut financièrement détestable — mais financièrement seulement — est à peu près aussi conséquent que d'affirmer : « Cette voiture aurait fait du 150 si elle avait été rouge. »
Que la masse des Français ignore la relation qui existe entre l'économie et la politique est assez naturel. Où la leur enseigne-t-on ?
Un ministre britannique des Finances, auquel on demandait s'il ne préférerait pas exercer ses fonctions en France, répondit :
« Non. La situation française est meilleure, mais les Anglais, eux, savent. »
Nous savons peu. Dans le dialogue mené avec un économiste, publié ici cette semaine, qui ne reconnaîtra
au moins quelques-uns des préjugés dont il est nourri ?
En guise de connaissances, nous disposons d'un catéchisme : l'inflation est... Qu'est-elle ? Galopante, de toute éternité. Le cycle des salaires et des prix ? Vous l'avez au bout de la langue. Il est infernal. Que fait-on à l'expansion ? On la brise. A la monnaie ? On la défend.
Avec « le gouffre du budget », « le spectre du chômage », « la fuite des capitaux » et « la course à l'abîme », chacun dispose de l'arsenal avec lequel il est censé comprendre qu'il doit pratiquer « l'austérité ».
Encore un mot dont personne ne sait exactement ce qu'il signifie, sinon des désagréments.
Telle la vertu, l'austérité se prêche plus aisément qu'elle ne s'observe.
Elle peut avoir sa grandeur, son sens, elle peut même exalter une nation qui en verrait clairement l'objectif, et qui donnerait son adhésion à cet objectif.
Réduire sa consommation, que M. Gaillard nous pardonne, n'est pas l'une de ces formules avec lesquelles on fait vibrer l'enthousiasme d'une foule. Sans doute ne demande-t-il pas d'enthousiasme. La résignation suffira.
Encore faudra-t-il, pour l'obtenir, que personne ne puisse traduire le sermon de rigueur en ces termes :
« Si je suis sage, il ira au ciel, mais s'il mange trop de chocolat, j'irai en enfer »
Mardi, octobre 29, 2013
L’Express
politique