Critique le flou de la situation gouvernementale
Il n'y a plus de gouvernement », s'est écrié M. P.-H. Teitgen au cours du débat nocturne où se discutait l'extension des pouvoirs spéciaux à la Métropole.
Ce qui tendrait à prouver que l'honorable parlementaire est incomplètement informé. Non seulement il y avait ce jour-là un gouvernement, mais il y en avait deux : celui de M. Bourgès et celui de M. Maunoury.
Certes, la coïncidence ne semble pas toujours exister entre les intentions de l'un et les actions de l'autre, comme on le verra en lisant l'étrange histoire d'une mission manquée.
Quand M. Bourgès envoie, selon la tradition, pour prouver sa volonté pacifique, un émissaire destiné à sonder les intentions de l'adversaire, M. Maunoury dément qu'ait été accomplie une mission dont la poursuite pourrait rapprocher le terme de la guerre.
Quand M. Maunoury fait arrêter l'avocat tunisien chargé de faire progresser les résultats de cette mission, M. Bourgès le laisse reprendre librement l'avion qui le ramène dans son pays.
Quand M. Bourgès félicite son envoyé personnel des nouvelles encourageantes qu'il rapporte, M. Maunoury décharge ce trop zélé médiateur de sa mission.
Celui-ci n'est pas encore arrêté pour intelligences avec l'ennemi, mais s'il fallait que M. Maunoury donne publiquement cette preuve de désapprobation à l'égard de la dangereuse initiative de M. Bourgès, il s'y résoudrait.
Que votre Bourgès ignore ce que fait votre Maunoury, telle est la devise à laquelle il semble s'être rallié, sur le conseil de son trait d'union.
On comprend que, dans cette conjoncture, le Parlement ait hésité à voter les pouvoirs spéciaux dont il ne sait s'il les remettra dans les mains du premier, du deuxième. Ou du troisième.
Et que, sous cette abondance de présidents du Conseil, M. Teitgen se soit inquiété de n'en trouver aucun.
Ainsi, trois ans après que fut signée à Genève, un 20 juillet, la paix d'Indochine, qui apportait « une conclusion cruelle à une évolution cruelle », le ballet recommence. Les figures n'en seront connues dans le détail que dans plusieurs années. En revanche, celles qui occupèrent nos danseurs entre le bombardement de Hanoï et la chute de Dien-Bien-Phu peuvent maintenant être reconstituées, à partir des documents officiels.
Elles appartiennent au passé. On voudrait être sûr qu'elles n'illustrent pas le présent. Le récit que Roger Barberot consacre aux aventures du général de Bollardière éclaire, hélas ! des événements très récents, d'une lumière aussi impitoyable que celle où apparaît maintenant, à travers l'histoire du 20 juillet, la politique menée en Indochine.