Malgré la mémoire lancinante de la Shoah, une femme qui refuse l'enfermement dans la tragédie?
Elle a été parfaite, Bernadette Chirac, parfaite dans la substantielle émission dominicale de Michel Drucker, coïncidant avec la publication d'un livre où elle raconte sa vie. Le lancement est impeccable. Comme la fusée Ariane, elle emporte son satellite, un certain Jacques Chirac, et le met sur orbite. A lui de tourner rond ensuite. Cette grande bourgeoise catholique un peu réac campée sur ses bonnes œuvres, cette femme de devoir qui a maintenu vivant pendant quarante-cinq ans un mariage si souvent outragé, de quelle époque est-elle? Sûrement pas de la nôtre. On en a connu, des comme elle, des «femmes de bien», mais il y a longtemps. Avec son esprit de repartie et ses bonnes manières, c'est ce parfum d'autrefois qui fait sa cote, en tout cas auprès des nostalgiques d'un modèle social évanoui. Ah, si on pouvait revoir ça! Lionel Jospin a Olivier Schrameck, lui, pour faire sa publicité. Il est tout à fait sympathique mais ce n'est pas le même genre! Les juifs, 13 millions dans le monde où vivent 1 milliard de musulmans, ont-ils un avenir? On doute que la question passionne les foules, même si ces éternels fauteurs de troubles, de Jésus à Freud, se retrouvent au centre des diatribes de Ben Laden. Mais tel était le thème de Franz-Olivier Giesbert (France 3). Participation : Claude Lanzmann, dont le nouveau film, «Sobibor», superbe, relate la seule expérience d'insurrection réussie par des juifs dans un camp de la mort. Serge Klarsfeld, qui publie un gigantesque «Mémorial des enfants juifs déportés de France», avec leurs noms, leurs photos. Quatre volumes intolérables à peine ouverts? Rony Brauman, juif anti-israélien, il y en a. Un couple d'historiens dont l'ouvrage pose en titre la question : «Quel avenir pour les juifs?» Eux, la Shoah, ils en ont ras les oreilles. Ils le disent respectueusement mais fermement. «Pourquoi ne peut-on pas être juif et heureux de l'être?», se demande Mme Ester Benbassa, qui refuse non pas la mémoire mais le ressassement, l'enfermement dans la tragédie. Elle était émouvante, cette femme qui appelait le droit à l'insouciance. Claude Lanzmann, qui voit l'avenir très sombre, la rembarra avec une brutalité inouïe : «Quand je vous vois, madame, je ne suis pas sûr que les juifs aient un avenir!» Il y avait aussi un enseignant palestinien, goguenard, étranger au débat dont il se sentait exclu comme il se sent exclu en Israël. Enfin, une jeune romancière juive, Karine Tuil, qui vit apparemment très bien sa condition dans sa jolie peau, dit avec simplicité: «Israël, la Palestine? Ça ne m'intéresse pas.» Heureuse petite? Loin de tout cela, on pouvait voir un bon documentaire américain sur Tennessee Williams ? le Tennessee que chante Johnny Hallyday ? auquel on doit entre autres pièces «Un tramway nommé Désir», «la Chatte sur un toit brûlant», «Baby Doll». Célèbre dans les années où le théâtre était encore un grand lieu de création, il fut dénoncé comme homosexuel, se détruisit en avalant des cocktails d'excitants et de calmants? Parcours classique d'artiste. C'en était un grand (Planète). Un duo Jean d'Ormesson et Alain Robbe-Grillet (chez Beigbeder) assez plaisant. Le second fait, à 79 ans, une rentrée romanesque époustouflante. A tous égards, les deux «hommes de lettres» sont à l'opposé, même si Robbe-Grillet a laissé percer comme une envie d'Académie française. Ils partagent déjà un honneur : celui de s'être fait éreinter l'un et l'autre en d'autres temps par Angelo Rinaldi! (Paris Première). Pas mal non plus : le professeur Baulieu chez Philippe Labro (France 3). La DHEA arrive. Comme il parle bien de ce vieillissement qu'il combat, qui paraît l'épargner, lui, à 75 ans, et qui «comporte des tas de composantes réversibles?» Il dit tranquillement : «J'adore l'espèce humaine?» En ce moment, il faut le faire! «Star Academy», nouveauté de la Une, version actualisée du «crochet». A éviter soigneusement. F. G.
Jeudi, octobre 25, 2001
Le Nouvel Observateur