Sur la Foire de Paris et passage au Salon des Vins
Si vous avez envie de mesurer à la fois le relèvement de la France et votre aptitude à la gueule de bois, ne manquez pas d'aller faire un tour à la 38e Foire de Paris, avant le 6 juin.
Pour 75 francs, on vous permettra de garer votre voiture dans l'une des dix-sept files et, pour 25 francs, votre bicyclette dans l'une des huit files du parc officiel.
Pour 100 francs, vous entrerez dans cette ville bourdonnante, hérissée de tracteurs et de pylônes, sur laquelle flotte un drapeau tricolore formé de six Panhard, deux bleues, deux blanches, deux rouges, suspendues dans le ciel de Paris.
Pour 15 francs, vous achèterez un plan officiel... et si vous n'avez, comme moi, pas plus de raisons de vous intéresser à la fonderie qu'aux raboteuses électriques, vous chercherez tout de suite où se trouve le Salon des Vins.
Avec une infinie sagesse, les organisateurs l'ont placé à 950 mètres des entrées.
Le trajet m'a permis de retrouver à temps une ombre de dignité, et j'ai voulu voir avant d'aller boire.
Un catalogue de 250 francs et de 1.295 pages, qui se vend chaque année à 40.000 exemplaires, m'a laissée perplexe.
Comment choisir entre 9.488 exposants et 520 boutiques? Où s'arrêter le long de 80 kilomètres de façade ?
Tout est passionnant, même pour le profane.
Et, au bout de dix minutes, j'étais tourmentée par des problèmes qui ne m'avaient, je l'avoue, jamais effleurée : la fermeture des caisses en carton, par exemple, et le classement par dossiers suspendus...
(Suite page 2.)
Histoire de foire
(Suite de la première page)
Ce sont des choses auxquelles on ne pense pas assez. Mais d'autres y pensent heureusement, d'autres qui font cette année dans les 130.000 mètres carrés couverts et les 140.000 mètres carrés ouverts de la Foire de Paris une démonstration impressionnante de l'activité de la France.
Croulant sous les prospectus et sous l'envie dévorante d'acheter tout de suite un radiateur à gaz, une horloge en bronze, une machine à coudre et un brûleur pour fuel oil, toutes choses dont je n'ai nul besoin, je me suis aperçue que j'étais là depuis une heure, que mes chaussures noires étaient devenues blanches, que mon chemisier blanc était devenu noir, et que je n'avais encore presque rien vu. Et rien bu.
Un petit monsieur complaisant et à casquette m'expliqua alors que, pour 23 francs, l'une des dix voitures électriques qui sillonnent la Foire me conduirait jusqu'au Salon des Vins.
Là, je me demande si j'oserai vous raconter ce qui s'est passé.
D'abord, une dame blonde a beaucoup insisté pour que je goûte son Sancerre, dont elle se déclarait prête à m'envoyer quinze bouteilles « logées » pour 3.750 francs.
Ensuite, un monsieur voulut me convertir au Pinot gris. En refusant, je sentais bien que je lui ferais de la peine.
Un autre clamait : « J'ai choisi la qualité » et me tendit un verre de Riesling pour montrer qu'il n'était pas plus menteur que son inspirateur Kravchenko.
J'ajouterai simplement qu'il y a cent quatre-vingt-douze stands au Salon des Vins et que, du Nuits Saint-Georges au Curaçao en passant par le Pouilly et le Ratafia, on peut goûter à tout.
Cent quatre-vingt-douze stands. Je ne sais pas si vous vous rendez bien compte de la situation d'un journaliste décidé à se documenter à fond.
Aujourd'hui, ça va nettement mieux, merci.
Si l'on vous raconte qu'en revenant vers la sortie j'ai protesté parce qu'on ne pouvait pas partir tout de suite sur le beau tracteur tout rouge 304 IA que je voulais emporter pour labourer la place de la Muette, il ne faut pas en croire un mot et vous garder, surtout, de porter un jugement sévère avant d'avoir visité à votre tour le Salon des Vins.
La première Foire de Paris, en 1904, avait réuni quatre cent quatre-vingt-six exposants sur le Marché du Temple. La 37e groupait quarante-sept nations, neuf mille exposants et attira deux millions quatre cent mille visiteurs sur le terrain de la Porte de Versailles qui lui appartient depuis 1925.
La 38e montrera qu'à Paris on sait décidément faire triomphalement, non seulement la foire, mais les foires.