Arrogants, grincheux... Nous nous sommes fait rudement assaisonner par le jury d'étrangers de «Ça se discute». Mais on n'a parlé que des Parisiens...
Surprise : malgré les chiffres alarmistes diffusés à grand bruit la veille d'où il ressortait, en bref, que la pollution de l'air abrège la vie, «la Marche du siècle» consacrée à ce sujet a eu, exceptionnellement, une audience médiocre. Elle était pourtant bien faite, informée, précise. Alors quoi? Serait-ce que les ravages de la pollution n'intéressent pas les Français? Si, certainement. Mais seulement quand ils s'y sentent personnellement exposés. Or l'essentiel de l'émission tournait autour de la pollution à Paris. Alors ceux qui habitent ailleurs, c'est-à-dire le plus grand nombre, s'en sont détournés.
Autre exemple de parisiano-centrisme, «Ça se discute». Il s'agissait de faire juger les Français par un aréopage d'étrangers venus tout exprès. Ils brodèrent sur le thème : «La France serait un pays merveilleux sans les Français.» Il fallut attendre la fin de l'émission pour que quelqu'un remarque : «On n'a parlé que des Parisiens.» Mais ce jury d'étrangers n'avait manifestement jamais fréquenté cet animal exotique, le provincial, qui est le plus souvent aussi courtois et gracieux que le Parisien est arrogant et grincheux. Il y eut un Anglais pour dire : «Ce que j'aime chez les Français, c'est qu'ils se foutent de ce que pensent les autres...» Heureusement! Car de la Turque à la Coréenne, de l'Italien à l'Australien, de l'Allemand au Belge, nous nous sommes fait assaisonner.
Surprise encore : de l'intelligence sur la Une. «La Soirée des Enfoirés» avec Alain Touraine, François Bloch-Lainé, Bertrand Schwartz. Touraine fut étincelant. C'était rafraîchissant. Mais toute la soirée fut réussie. La Sierra Leone, vous voyez où c'est? Sous la Guinée. «Envoyé spécial» y est allé. C'est un beau petit pays qui serait prospère ? Il regorge de diamants ? S'il n'était en proie à la guerre civile. Il vient d'y avoir un coup d'Etat. Les combats ont cessé. Puis ils ont repris. Premières victimes : les enfants qui fuient dans les bras de leur mère devant les guerriers et se retrouvent affamés. Une organisation humanitaire, Action internationale contre la Faim, en a pris 10000 en charge. Ils ne sont pas dénutris, pas encore. Ils ont simplement faim. Ils n'ont même plus la force de pleurer. Tous les diamants de la Sierra Leone sont stériles devant cette souffrance. Peut-on la soulager? Oui, c'est le sens de l'action humanitaire dont «Envoyé spécial» s'est fait, pour un soir, le messager.
Patrick Modiano est un cas. Incapable de prononcer deux phrases complètes, toujours en quête d'un mot qui n'arrive jamais à franchir ses lèvres, il devrait être exaspérant. Au lieu de quoi il est attendrissant. C'était une gageure de lui consacrer «Un siècle d'écrivains» et de prétendre l'interroger. A peine essayait-il de répondre qu'arrivait un «Ah! c'est compliqué...», et il renonçait à trouver les mots pour le dire... Des bribes surgirent. «Non, je n'ai pas le culte de l'enfance...»; «Ma mémoire précède ma naissance...»; «En 1960, je me suis évadé du collège...»; «Céline, ça m'a beaucoup frappé...»; «Mon père travaillait pour la Continentale...»; «On m'a baptisé en 1950...» Poignée de pièces d'un puzzle plein de trous. Ce n'est pas qu'il refuse de parler de lui, c'est que... c'est compliqué, voilà. On avait envie de lui dire : «Ne vous acharnez pas, on vous pardonne.» La musique de Modiano est dans ses livres. Au lieu de s'évertuer à le déshabiller, c'est là qu'il faut la chercher.
Michèle Cotta, qui mène «Polémiques» d'une main ferme, a parfois de la peine à dissimuler ses sentiments. Ainsi, il était clair qu'elle a Jean-Claude Trichet, le gouverneur de la Banque de France, dans le nez, comme on dit. Lui ou sa politique en tout cas. Elle lui a successivement reproché d'être «timide», exagérement optimiste sur les points forts de la France, et d'être seul à avoir confiance dans l'échéance de 1999 en ce qui concerne la monnaie. Il a pris les choses avec sang-froid. Il faut dire que M. Trichet est également poète. Il est même certainement le seul financier capable de réciter de mémoire du Saint-John Perse. Voilà qui mérite considération. Jean-Claude Gaudin est si content d'être ministre que, pour un peu, il vous ferait partager sa satisfaction. La morosité, lui, il ne connaît pas. Il faut dire que l'accent, ça aide. Et puis il est d'un naturel tonique. Allez, les petits, on va gagner! On ne demande qu'à le croire («7 sur 7»).