Gri-Gri

À la veille des épreuves du bac, FG rappelle le pouvoir symbolique de ce diplôme 40 ans auparavant et fait l'état des lieux de la situation actuelle. Écorche le bac en contestant son utilité.
Le bac... Il y a quarante ans, c'était un passeport, ouvrant chaque année, à moins de dix mille jeunes bourgeois, les portes des wagons de tête dans le train de la société.
Les différentes options portaient des noms qu'il suffit d'évoquer pour rappeler à quoi un bachelier était préparé : latin-grec, latin-langues,latin-sciences, sciences-langues et, en seconde partie, math-élém ou philo.
Pour conduire un garçon doué jusqu'au bachot au lieu de le mettre au travail à quatorze ans, des parents modestes se saignaient aux quatre veines, comme on disait alors. Et davantage encore lorsque, passeport acquis, celui-ci franchissait la frontière du domaine réservé, celui des études supérieures. Quelle fierté alors !
Hélas ! il en est resté quelque chose. Quelque chose qui conserve à la filière d'enseignement général, où s'engagent aujourd'hui 55 % des jeunes Français, une sorte de magie.
Un bon nombre y découvrent prématurément le goût amer de l'échec. Expulsés de l'enseignement réputé « noble », parce que sa finalité n'est pas utilitaire, ils se retrouvent dans l'enseignement technique non parce qu'ils ont été orientés en fonction de leurs aptitudes, mais rejetés en fonction de leurs inaptitudes.
Grâce à quoi, 69 % des travailleurs français sont dépourvus de toute formation professionnelle, contre 27 % des travailleurs allemands.
C'est que le fondement même des deux systèmes éducatifs est différent. L'un privilégie la formation professionnelle de base que reçoivent la majorité des élèves à la sortie du primaire, toutes classes sociales confondues. L'autre privilégie la formation générale et se refuse, en quelque sorte, à faire de l'école une préparation à la vie active.
Curieusement, il y a cependant un peu plus d'Allemands que de Français (4,7 % contre 3,5 %) titulaires de diplômes d'enseignement supérieur.

Ne proposons pas une quatre-vingt-douzième réforme de l'enseignement au ministre qui en a la charge. Elle n'aurait d'ailleurs pas plus de chances que les précédentes d'être acceptée. Simplement, dès lors que le bachot, auquel aspirent ces jours-ci 347.746 filles et garçons, relève de ces cérémonies initiatiques, de ces rites de passage par lesquels certains groupes humains déclarent les jeunes gens aptes à la chasse, pourquoi donc en priver qui que ce soit?
Lorsque sera proclamé bachelier sans examen tout élève ayant achevé une scolarité quelle qu'elle soit, avec un carnet de notes convenable, les Français découvriront peut-être que le bachot grigri ne sert à rien. Et que l'enseignement, lui, pourrait servir à quelque chose.

Nul n'est parfait

Remplacer M. François Mitterrand par M. Olivier d'Ormesson, député de la droite classique, à l'Assemblée européenne, la substitution est piquante.
Il est vrai que le premier en est sorti par la porte d'honneur tandis que le second y entrait par la cuisine. Sans en porter, d'ailleurs, la responsabilité.
Le résultat de ces élections singulières en tous points n'en est pas moins surprenant.
En demandant la validation des bulletins nuls déposés dans les urnes, les imprésarios de Mme Veil s'attendaient à récupérer plusieurs centaines de milliers de suffrages. Un million, assurait-on. Disons qu'ils ne devaient pas avoir une très haute opinion du niveau mental de leurs électeurs. Pour confondre la circulaire portant la signature manuscrite et la photo de Mme Veil avec un bulletin de vote, il ne fallait pas être distrait mais plutôt faible d'esprit. Ceux qui ont conservé ces papiers dans leurs archives et qui auraient la curiosité de les comparer le constateront aisément.

Mardi, octobre 29, 2013
Le Journal du dimanche